Vesinkende Sonne
Gramola 99220
Auner Quartett
Date de sortie: 08.10.2021

« Puissiez-vous encore voir l’aube après cette longue nuit! »
Ces paroles de Stefan Zweig, écrites en exil dans sa lettre d’adieu sont la devise de cet enregistrement du Quatuor Auner,
présentant des quatuors à cordes d’
Alexander Zemlinsky (Opus 4 de 1896), Egon Wellesz (son 5e quatuor à cordes de l’année 1943, Op. 60  sous-titré « In memoriam » qui fait référence aux années perdues) et d’Anton Webern (« Langsamer Satz » de 1905), qui sont toutes des références à Vienne au tournant du siècle.
Presque comme un rappel, Auner Quartet poursuit avec
« Syncopation » de Fritz Kreisler des années 1920, qui s’étend sur un arc aux États-Unis, où Kreisler jouissait d’une énorme popularité
et d’où provenaient les éléments stylistiques qui avaient conquis les salles de danse d’Europe centrale avant qu’ils ne soient interdits en Allemagne et en Autriche pendant les années les plus sombres du 20ème siècle -
avec la musique de
Zemlinsky, Wellesz, Webern, Kreisler et tant d’autres.

 

Alexander von Zemlinsky (1871-1942)
Quatuor à cordes en la majeur, op. 4

Egon Wellesz (1885-1974)

Quatuor à cordes n° 5, op. 60

Anton Webern (1883-1945)

Langsammer Satz pour quatuor à cordes

Fritz Kreisler (1875-1962)

"Syncopation", pour quatuor à cordes



Auner Quartett
Daniel Auner, violon
Barbara de Menezes Galante Auner, violon
Nikita Gerkusov, alto
Konstantin Zelenin, violoncelle

 

L’op. 4 de Zemlinsky est un crépuscule, comme la coda des musiques de chambre vespérale de Brahms. Son faux ton de sérénade cache derrière ses étreignantes mélodies aux inflexions lyriques des lacis harmoniques étranges qui annoncent la nouvelle Vienne. Les Auner rendent sensibles, par leur jeu subtil, leurs sonorités fusantes, cet entre deux mondes qui est le sujet même de ce qui semble être seulement leur second album. Après le solaire Allegro con fuoco qui clôt l’opus de Zemlinsky, les déclamations obsessives à l’unisson des quatre instruments qui ouvrent le 5e Quatuor d’Egon Wellesz nous projettent à la fois dans un autre siècle et dans un autre monde. L’ombre de Beethoven a beau régner, souvenir têtu, Wellesz écrit desséché pour une Europe plongée dans les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, sous le blitz qui ravage Londres (l’œuvre est composée en 1943), les Auner tissant cet entre chien et loup crépusculaire, y mettant un gout de cendre. Les teintes chaleureuses, la mélodie quasi opératique du Langsamer de Webern, les délicieuses syncopes de salon de la miniature de Kreisler font le voyage en sens inverse, archets légers, clair de lune puis champagne, jolie manière de conclure un album composé avec art. (Discophilia - Artalinna.com) (Jean-Charles Hoffelé)
Superbement illustré par le tableau d’Egon Schiele qui donne son nom au disque, ce CD du très viennois quatuor Auner propose un panorama de la musique autrichienne des compositeurs nés à la fin du XIX° siècle. Le quatuor opus 4 de Zemlinsky (1897) paie sa dette à Brahms et Dvorak avec un charme incontestable et les prémisses d’un style qui s’épanouira grâce à l’influence de Mahler. A peine plus tardif, le mouvement lent de Webern (1905) s’inscrit dans lui aussi sous la double influence de Brahms et Mahler, loin des aphorismes que seront les pièces ultérieures du compositeur. La brève « Syncopation » de Kreisler (1920) montre l’hybridation du style viennois charmeur caractéristique des petites pièces du violoniste par des rythmes découverts aux Etats-Unis. Enfin la rareté absolue provient du cinquième quatuor de Wellesz (1943), disciple de Schönberg émigré en Grande-Bretagne. Eloquemment sous-titré « in memoriam », c’est un adieu nostalgique au monde perdu de la Vienne impériale, comme un écho aux pages de Stefan Zweig. Malgré quelques acidités, la prestation du quatuor Auner s’impose par son style viennois à la fois inné et cultivé auprès des Artis. Et si les Auner s’attaquaient aux autres quatuors, si délaissés, de Wellesz ? (Richard Wander)