Emil František Burian
(*11.6.1904 à Pilsen, +9.8.1959 à Prague)

C’est dans l’effervescence des années 1920, provoquée par les espérances nationales (la Tchécoslovaquie voit le jour au lendemain de la Première Guerre mondiale), le goût de la nouveauté inspiré par Paris et la mythique Amérique, contradictoirement mêlés à l’influence esthétique et idéologique de la nouvelle Russie soviétique, que ce touche-à-tout génial commence à déployer son talent phénoménal et multiple, qui fera de lui l’une des plus grandes personnalités des avant-gardes tchèques de l’époque, sans cesse à la recherche de formes artistiques nouvelles : sans efforts apparents, il aura été, avec une profondeur et une réussite égales, metteur en scène et réalisateur, dramaturge et scénariste, compositeur, chef d’orchestre, instrumentiste et chanteur, scénographe, cameraman, comédien, poète, théoricien de l’art, pédagogue et directeur de théâtre.

Au début de sa carrière, il se concentre principalement sur la composition. Il étudie au Conservatoire de Prague, puis auprès de Josef Bohuslav Foerster. A dix-neuf ans, il compose l’opéra Alladine et Palomides d’après Maurice Maeterlinck ; deux ans plus tard, il crée au Théâtre national son second opéra, Avant le lever du soleil, ainsi que diverses musiques scéniques. Membre du groupe d’avant-garde Devětsil, il fonde le célèbre Théâtre libéré et prend part à ses activités en tant que compositeur, instrumentiste, chanteur et comédien. Il se produit ensuite dans les théâtres Dada et Moderní studio, nouvellement créés. En 1924, il fonde Prítomnost (Présence), une société pour la musique contemporaine. En 1927, il crée le « Voice Band », un ensemble spécial pour la récitation en chœur conçue de façon musicale, avec lequel il remportera un vif succès au festival ISCM (son œuvre pour Voice Band la plus connue est probablement son adaptation du fameux poème Mai, du romantique Karel Hynek Mácha). Burian entame ensuite sa période (une période débute, mais on ne débute pas une période ?) d’organisateur et de chef d’orchestre : en 1929, il est invité, avec le metteur en scène Jindřich Honzl, par le Théâtre national de Brno, dont il devient le directeur, pour y créer un studio d’avant-garde. Après plusieurs spectacles phénoménaux (notamment La Mandragore de Machiavelli, Le Miracle de Saint Antoine de Maeterlinck, Cavaliers vers la mer de J. M. Synge), le Studio est fermé pour manque de soutien matériel et d’intérêt de la part du public provincial de Brno. Mais Burian reste au Théâtre national et y met en scène une série de spectacles exceptionnels, pour lesquels il compose le plus souvent ses propres musiques de scène (L’Opéra de Quat’sous de B. Brecht et K. Weill, L’enfant de F. X. Šalda, etc.). Pendant un an, il dirige le théâtre de la ville d’Olomouc, puis retourne à Brno où il monte notamment la pièce Les Amants du kiosque de V. Nezval.


Jindrich Honzl et E. F. Burian dans Les Mamelles de Tirésias de Guillaume Apollinaire, Prague, le 23. 10. 1926.
Tiré de Adolf Kroupa (ed.), Apollinaire illustre et inconnu [Apollinaire známý a neznámý], Prague, Odeon, 1981.


De retour à Prague, il fonde le cabaret Cervené eso (L’As rouge), et s’y produit en tant que compositeur, chef d’orchestre et pianiste. En 1933, il fonde à Prague son propre théâtre, le fameux D-34. Il y présente non seulement ses propres spectacles de théâtre conçus de façon synthétique, mais également des soirée de récitation, des concerts, des conférences, des débats et des expositions. Mais l’orientation fortement anti-fasciste du théâtre lui vaut d’être enfermé en 1941 à la prison de Pankrác et de là au camp de concentration de Térézin (Theresienstadt, petite forteresse), puis à Dachau, et finalement à Neuengamme près de Hambourg. Il y organise des soirées et des cabarets pour ses co-détenus.

A Dachau, l'orchestre du camp joua une petite pièce innocente de Burian, pour le "Reich Minister" et commandant suprême des SS : Heinrich Himmler, devant tous les prisonniers. La composition, était une forme de Polka avec un thème central do-ré-mi-do-ré-do.
Certains prisonniers, furent glacés de terreur, car les musiciens tchèques avaient l'habitude de chanter cette mélodie avec les paroles "embrasse mon cul". Himmler et les autres officiers allemands qui écoutaient la musique avec satisfaction, n'en avaient pas la moindre idée.
La partition de cette mélodie fut détruite après le concert.

A Neuengamme, Burian compose le "Lied von der Kühle" (Chanson du froid), pour voix et orchestre, qui fut  interprété à la Noël 1944.

"Lied von der Kühle"

Burian fut très chanceux à la fin de la guerre, quand le 3 mai 1945 dans la baie de Lübeck, le navire "Cap Arcona" et trois autres navires portant des identifications allemandes et transportant des milliers de prisonniers politiques de toute l'Europe, furent bombardés et coulés par les avions britanniques et canadiens. Ceux qui en avaient échappé aux bombes, au feu et aux eaux glacées, furent mitraillés par les pilotes alliés qui n'avaient aucune idée de qui étaient ceux sur qui ils tiraient. Seule une poignée de prisonniers, après six heures de nage, put atteindre la rive. Burian était parmi eux.

Son magnifique Quatuor à cordes n°4, écrit au lendemain de la guerre, dit bien le déchirement que celle-ci a provoqué en lui. Après 1945, il mettra ses dons au service de l’idéal communiste. Il reprend ses activités d’homme de théâtre et participe à la reconstruction du théâtre tchèque, mais il se lance également dans la politique : il devient député, dirige une émission de radio consacrée à la politique, etc. Avec la prise de pouvoir des communistes staliniens, il est vite ostracisé de la façon la plus dure. Il meurt en 1959, âgé de 55 ans seulement.

Burian a également été attiré par le cinéma, il est l’auteur de plusieurs scénarios, a réalisé deux films et composé plusieurs musiques de films (il remporte une médaille d’or pour la partition de La Sirène à la Biennale de Venise en 1947). Il est également l’auteur de nombreuses critiques d’art et de plusieurs importants ouvrages d’esthétique (notamment sur le folklore et sur le jazz, dont il a été un des premiers et plus virulents propagateurs en Tchécoslovaquie). L’œuvre de Burian compositeur, dans le prolongement de celle d’un Stravinsky et d’un Janáček, est extrêmement riche et variée : sept opéras (le plus important étant probablement Maryša), cinq suites orchestrales, huit quatuors à cordes, plusieurs concertos, de nombreuses pièces pour piano, pour ensembles vocaux, et une œuvre très importante de musique de chambre.

 

1. Opern

    Pred slunce východem Oper 1 Akt
    Vor Sonnenaufgang
    Bedrich Belohlávek
    Nov. 1925 Nationaloper Prag

    Mastickár op.buf. (Parodie)
    Der Quacksalber
    Václav Lacina / Jan Trojan
    1928 Divadlo Dada Prag (rev. mit neuem Libretto von Radovan Krátký, 1955)

    Alladina a Palomid Oper - 1923
    Alladina und Palomid
    M. Maeterlinck; umgearbeitet als
    Pohádka o velké lásce
    Märchen von einer großen Liebe
    1934 Prag

    Maryša Oper 5 Bilder op. 81
    Libretto vom Komponisten, nach Alois und Vilém Mrštík
    16. April 1940 Brno (Brünn)

    Bubu z Montparnassu lyrische Jazzoper - 1927
    Bubu vom Montparnasse
    nach Charles-Louis Philippe
    1999 Prag

2. Theaterstücke mit Musik

    Milenci z kiosku
    Die Geliebten vom Kiosk
    Vítezlav Nezval
    1935 Prag

    Racte odpustit (from Monsieur Ipokras, 1925)
    Verzeihen Sie bitte
    Radovan Krátký
    1956 Prag

3. Theaterstücke mit Musik nach Volkstexten

    Vojna Volksdrama mit Liedern und Tänzen
    Der Krieg
    Volkstexte aus der Sammlung von Karel Jaromír Erben
    1935 Prag

    Lidová suita 1 und 2
    Volkssuite 1 und 2
    1938 und 1939 Prag

    Esther
    1946 Prag

    Láska, vzdor a smrt
    Liebe, Trotz und Tod
    1946 Prag

    Vánocní hry ceského lidu
    Tschechische volkstümliche Weihnachtsspiele
    1946 Prag

    Opera z pouti Volksszenen
    Oper von der Kirmes
    28. Jan. 1956 Prag

4. Film Music

 

5. Autres Compostions

O dětech / About Children Op. 6 (1924)
Im Frühling op.14 (1933)
Suite Americaine pour 2 pianos, op. 15 (1926) - Orchestration (1926)
Coctailly, op. 33
Na pohlednice, op. 36
Malá Předehra / Small Overture Op. 42 (1927)
Dětské písně pro jeden hlas a nonet, op. 74
String quartets (8) (1927, 1929, 1940, 1945, 1947, 1948, 1949, 1951)
String Quartet No. 3, op. 88 (1940)
String Quartet No. 4, op. 95 (1945)
Siréna op. 96. Suita z filmu
Nonet in Do
Ballet Fagor a flétnu – The Basson and the Flute, 1925
Serenate perse
The hairy cactus for 2 guitars
Waltz (1937)
Sonata Romantica for violin and piano
Ztracené Serenády (lost serenade): pro flétnu a klavír (1950)