Menachem Kipnis (1878-1942), essayiste, auteur de chansons en langue yiddish et spécialiste de la tradition musicale juive, satiriste et photographe, est né à Uszomierz dans la région de Volhynie
(nord-ouest de l’Ukraine actuelle)
d’une famille de rabbins et de hazzan (Kantor, Chantre à la synagogue) hassidiques.
Devenu orphelin dès l’âge de 8 ans, il fut élevé par son grand-frère qui était chantre, comme leur père, à la synagogue de Czernobyl (Tchernobyl, Ukraine).
Celui-ci lui transmit une formation musicale de yiddish. Jusqu’à 14 ans, Menachem accompagna son frère dans le chœur du Beth Midrash (synagogue) de Tchernobyl.
Après la mue de sa voix il se produisit comme ténor dès l’âge de 16 ans dans de nombreux chœurs de la région notamment celui de la synagogue de Jitomir; il commença également à étudier sérieusement la musique.
Il se rendit à Novohrad-Volynskyï (Volhynie) ou il chanta en tant que soliste dans le chœur du chantre Berl Mulier, également dans le choeur de Berdytchiv (Oblast de Jitomir) avec le chantre Nissen Belzer.
Également dans le chœur de Zejdl Rowner avec qui il se produisit en Lituanie, en Podolie (Région située au sud-ouest de l'Ukraine), en région de Volhynie et en Pologne où ils chantèrent lors des offices de shabbat et durant des concerts.
C’est pendant cette période qu’il étudia l’hébreu et la Haskala (Mouvement de pensée juif influencé par le mouvement des lumières) à l’école de musique de Abraham Ber Birnbaum à Częstochowa.
En 1901, il s’établit à Varsovie où il s’inscrivit
au conservatoire et étudia en privé avec le compositeur Matisyahu Bensmail.
Il remporta le concours de l’Opéra national / Grand théâtre de Varsovie et intégra le chœur en tant que premier ténor; il fut le premier juif à intégrer l’Opéra de Varsovie, en 1902. Il y officia durant 16 années.
C’est à partir de ce moment là qu’il commença à étudier les racines de la musique juive et les chansons du folklore populaire juif. Il publia son premier article dans le journal hébreu Ha-Melitz de
Saint-Pétersbourg puis dans le journal Ha-Tsofe du théâtre juif de Varsovie.
Parallèlement, il publia aussi des histoires humoristiques dans des journaux en hébreu et yiddish comme Hamelic, Der Szrtral.
Il a été l’un des précurseurs à allier la tradition de la musique juive avec d’autres cultures étrangères, comme le yiddish et l’ukrainien.
Il a concrétisé ce travail de vingt années de recherche à travers 2 recueils édités par la maison d’édition A. Gitlin en 1918 (60 chansons du folklore yiddish – Zechcik folks-lider)
et en 1925 (80 chansons du folklore yiddish – Achcik folks-lider).
Il a également écrit d’autres ouvrages sur le folklore yiddish en Pologne, sur les musiciens, les chanteurs et les chantres renommés.
Plus tard il édita un recueil de 140 chansons populaires juives dont plusieurs furent publiées dans la revue
Hajnt («Aujourd’hui», revue yiddish édité à Varsovie entre 1908 et 1939, le siège se trouvait 8 rue Chłodna).
Il se maria avec Zimra Zeligfeld qu’il emmena durant des tournées, notamment en France et en Allemagne durant la première guerre mondiale.
Zimra Zeligfeld était une interprète et chanteuse yiddish. Le couple se produisit en duo et obtint un grand succès.
De son côté, Kipnis développa une expertise reconnue dans tout le pays à tel point qu’on venait le voir pour lui demander conseil et l’écouter. Il acquit une solide réputation de meilleur interprète de chansons yiddish.
C’était aussi une des figures des cercles culturels juifs de Varsovie.
Il était un membre actif de l’union littéraire yiddish qui se réunissait au 13 de la rue Tłomackie, en face de la grande synagogue de Varsovie et qui abritait également
l’Association des Écrivains et Journalistes Juifs. (à droite)
Il fut un membre du chœur de la grande synagogue de Varsovie durant une dizaine d’années. Il écrivit plusieurs livres et essais sur le thème de la musique juive et yiddish.
Dans un autre registre, il publia en 1930 Histoires de Chełm – Di Chelemer majses, un livre à succès qui relatait des récits de la population locale, dans la région de Lublin, connue à travers toute
la Pologne pour les moqueries et satires qu’elle inspirait.
Dès cette même année, il organisa des évènements musicaux. Avec la montée de l’antisémitisme au milieu des années 30 et l’exclusion des musiciens juifs, il mit en place un orchestre symphonique juif.
Sa seconde passion pour laquelle il est plus connu du public aujourd’hui était la photographie. Il collabora pour le journal américain Fortwerts (The Yiddish Forward).
De son travail, il nous reste une superbe collection de photographies de la vie juive prises dans des villes et des villages d’Europe centrale de l’entre-deux guerres, et qui fut
envoyée aux Etats-Unis avant la guerre.
Elle est aujourd’hui conservée au YIVO Institute de New York. Si Kipnis n’avait pas travaillé pour le journal Fortwerts, aucune de ses photos ne nous seraient parvenue jusqu’à aujourd’hui.
Durant l’entre-deux guerres, Menachem Kipnis habitat le fameux immeuble du 14 de la rue Waliców qui avait été édifié durant le XIXème siècle dans le quartier de Mirów, on ne sait pas précisément quand.
Il s’agit d'un immeuble décrépi aujourd’hui insalubre et passage incontournable des circuits de visite touristique sur le thème de la Varsovie juive.
La façade a été détruite durant la guerre et ce sont les élévations de l’arrière-cours qui sont aujourd’hui visibles. De novembre 1940 jusqu’en août 1942 (période des grandes déportations), cet immeuble a été enserré dans le petit ghetto.