Des années après le décès de sa belle-mère, Rifka, Linda Bastide découvre dans
un sac de papier kraft des documents rarissimes qui lui permettent de
reconstruire patiemment, durant plus de trois ans, le parcours de ses
beaux-parents,
nés au début du siècle dernier,
leur fuite de la Pologne où la
montée de l'antisémitisme leur fait crainte pour leur vie, jusqu'en Palestine
sous protectorat britannique où ils se marient et acquièrent la nationalité
anglaise.
Venus en France en voyage de noce tardif pour l'Exposition
universelle, ils y demeurent.
Lors d'une rafle, le 5 décembre 1940, Rifka et
Bernard, son bébé de six mois, sont envoyés dans le camp de triage de Besançon,
puis dans les camps de Drancy et Vittel.
Jacob, son époux, passera par Drancy
puis sera interné à la Grande Caserne de Saint-Denis jusqu'à la libération du
camp par les Américains le 25 août 1944.
Ce camp pour citoyens anglo-américains
- Juifs pour l'essentiel - devait servir de monnaie d'échange contre des soldats
allemands prisonniers.
Jacob, Rivka et Bernard n'obtiendront la nationalité
française que lorsque ce dernier, « Français par option », sera appelé sous les
drapeaux pour combattre en Algérie.
En 1940, le site est occupé par les Allemands qui y installent un Frontstalag (camp de prisonniers), qui, dans un premier temps, opère en réseau avec celui de Drancy et le camp d'internement de Romainville. La fonction du camp obéissait à une logique de guerre classique et visait des ressortissants des puissances ennemies du Reich, en l'occurrence des Britanniques et des citoyens du Commonwealth: initialement, ce sont donc des hommes britanniques, âgés de 16 à 65 ans, qui sont concernés par cet internement; les femmes, les enfants et les personnes âgées n'étaient généralement pas internés mais contraints de pointer à la Kommandantur (état-major) locale. La caserne atteignit rapidement quelques 1 600 internés, d'autant que le site de Drancy, qui, dans un premier temps, servit aussi à l'internement de Britanniques, fut destiné dès août 1941 à l'internement d'autres populations, principalement des Juifs étrangers et français.
Le camp installé dans et autour de la caserne est organisé en chambrée de douze hommes environ qui couchent sur des lits superposés ainsi que des baraques construites dans la cour centrale pour répondre à l'augmentation des effectifs. Les internés étaient ravitaillés par la Croix-Rouge britannique et les colis individuels étaient autorisés. La caserne des Suisses a fonctionné comme camp d'internement tout au long de l'occupation allemande. À quelques jours de la Libération de Paris, des détenus malades du camp du Fort de Romainville, sur la commune des Lilas, y sont transférés.