Linda Bastide
Camp de Saint-Denis - Frontstalag 111 pour Juifs Anglo-Amricains
Ou les Coulisses du Silence
Petra - Collection Méandre
(1,5 x 14 x 22 cm)
ISBN : 978-2-84743-191-9
31 octobre 2017

 

 

 

Des années après le décès de sa belle-mère, Rifka, Linda Bastide découvre dans un sac de papier kraft des documents rarissimes qui lui permettent de reconstruire patiemment, durant plus de trois ans, le parcours de ses beaux-parents,
nés au début du siècle dernier, leur fuite de la Pologne où la montée de l'antisémitisme leur fait crainte pour leur vie, jusqu'en Palestine sous protectorat britannique où ils se marient et acquièrent la nationalité anglaise.
Venus en France en voyage de noce tardif pour l'Exposition universelle, ils y demeurent.
Lors d'une rafle, le 5 décembre 1940, Rifka et Bernard, son bébé de six mois, sont envoyés dans le camp de triage de Besançon, puis dans les camps de Drancy et Vittel.
Jacob, son époux, passera par Drancy puis sera interné à la Grande Caserne de Saint-Denis jusqu'à la libération du camp par les Américains le 25 août 1944.
Ce camp pour citoyens anglo-américains - Juifs pour l'essentiel - devait servir de monnaie d'échange contre des soldats allemands prisonniers.
Jacob, Rivka et Bernard n'obtiendront la nationalité française que lorsque ce dernier, « Français par option », sera appelé sous les drapeaux pour combattre en Algérie.

En juin 1940, la Wehrmacht s’installe de façon conséquente à Saint-Denis qui devient ville de garnison, la caserne des Suisses est certainement investie pour le casernement des troupes dans un premier temps.
En août 1940, elle est réaffectée à l’internement de 1 500 hommes, des ressortissants des « puissances ennemies du Reich », essentiellement des civils britanniques résidant en zone occupée (que des hommes, de 16 à 75 ans)
ainsi que des ressortissants du Commonwealth (canadiens, australiens, maltais, palestiniens, égyptiens…). Vivant et travaillant en France depuis des années, beaucoup d’entre eux ont épousé des françaises et fondé une famille.
La caserne des Suisses, dite souvent « grande caserne », devient ainsi le Frontstalag 220.
Préalablement détenus à la prison de Fresnes, les ressortissants britanniques et du Commonwealth sont transférés à Saint-Denis. La surveillance du camp est assurée par un détachement de la Wehrmacht constitué de quelques officiers et de 150 hommes.

Dès septembre 1940, le camp compte déjà plus de 1 600 internés. À partir de décembre 1940, le camp de Drancy à la cité de la Muette (Frontstalag 111), qui accueillait jusque là des prisonniers de guerre français et britanniques en transit vers les stalags et oflags,
devient une annexe du camp d’internement de Saint-Denis (Frontstalag 220). En janvier 1941, selon le maire, le camp d’internés compterait environ 2 000 hommes.
Le 12 février 1941, trois internés, un anglais et deux canadiens, s’évadent de la caserne des Suisses grâce à l’organisation de Résistance les « Bataillons de la mort ». D’autres évasions auraient eu lieu durant toute l’année 1941.

En juillet 1941, lors de la visite opérée par la Croix Rouge 1 160 internés sont comptabilisés à Saint-Denis et 906 internés britanniques à Drancy dont 112 canadiens, rejoints depuis peu par un millier de civils français rapatriés d’Allemagne.
Parmi les 1 160 internés de Saint-Denis, les visiteurs de la Croix-Rouge compte « 42 canadiens, 12 australiens, 350 britanniques, de nombreux maltais, etc., descendants de britanniques », 100 hommes environ au-dessus de 60 ans et 200 hommes environ au-dessous de 20 ans.
Ce 8 juillet 1941, 5 baraques sont en cours d’aménagement dans la cour centrale. Un jardin potager a été créé dans la petite cour arrière et les conditions d’internement sont globalement correctes.
La vie culturelle au sein du camp est particulièrement dynamique (bibliothèque, orchestres, dont celui de jazz d’Arthur Briggs). Le camp apparaît aux membres de la Croix-Rouge bien mieux entretenu qu’en octobre 1940, lors de leur première visite.
En juillet 1941, les internés malades (64) sont soignés au Val de Grâce mais en 1944, une partie de l’hôpital de Saint-Denis est réquisitionnée à cette fin (le pavillon Larrey et les « pavillons 5 et 10 »,
Le 12 novembre 1943, lors d’une perquisition à la caserne des Suisses, la Gestapo aurait trouvé des armes et un poste émetteur T.S.F. Un tunnel de 20 mètres aurait été creusé dans la cave en vue d’une évasion.
À quelques jours de la Libération, des détenues malades du camp du fort de Romainville auraient été transférées au pavillon 10 de l’hôpital de Saint-Denis, partie prenante du camp.

Le camp est libéré fin août 1944 en même temps que la ville. En septembre 1944, le pillage du matériel et des locaux est constaté par la municipalité.
Le camp est alors transformé en camp de « suspects de collaboration avec l’ennemi » pour quelques mois avec quelques 1 312 détenus au 15 novembre 1944, au même titre que le camp de Drancy (5 451 détenus).
Le fort de Noisy-le-Sec à Romainville aurait également eu cette affectation à l’automne 1944 (1 275 détenus). En décembre 1944, les effectifs sont quasiment les mêmes à Saint-Denis, un peu moins élevés à Drancy et ont presque diminué de moitié à Romainville.
La caserne des Tourelles à Paris complète le dispositif pour la Seine ; la Seine-et-Marne et la Seine-et-Oise sont désormais mises à contribution mais pour de plus petites unités, le plus souvent dans des casernes.