Publié par Veronique Chemla le 2/22/2012 03:16:00 PM
Arte diffusera les 22 et
28 février 2012 à 6 h
Alice Sommer Herz, un destin d’exception (Alice
Sommer Herz,Das Ganze Leben ist ein Geschenk), de
Christopher Nupen (2009). Une
interview de la pianiste juive née en 1903 à Prague, déportée au
camp de Theresienstadt
(Terezin),
survivante de la Shoah qui a décimé une partie de sa famille. Une
centenaire optimiste qui joue chaque jour au piano Bach,
Beethoven ou Schubert, et qui admire Wagner pour sa musique et ses
textes poétiques.
Alice Sommer Herz n’éprouve aucune haine, ni pour l’Allemagne,
ni pour les Allemands : « La haine amène la haine ». Cette dame sage
estime que le bien et le mal cohabitent dans tous les êtres humains.
La religion de cette « Juive sans religion » ? « L’amour maternel,
la nature et la musique qui mène à la beauté ».
Dans son modeste appartement londonien,
Alice Sommer Herz s’exprime avec sérénité, indifféremment en
anglais et en allemand, en ayant gardé intactes toutes ses facultés
mentales. Son élégance vestimentaire reflète sa hauteur morale.
Les secrets de sa longévité ? Selon elle, ce sont son optimisme et
sa discipline.
Des « temps difficiles »
Alice Sommer Herz et sa sœur jumelle Mariana sont nées dans une
famille Juive assimilée, musicienne de Prague, alors dans l’empire
austro-hongrois.
Son père Friedrich Herz dirige une usine fabriquant des balances.
Quand il arrive fatigué vers les 20 h chez lui, son épouse demande à
leurs enfants de jouer de la musique.
A la confluence des cultures Juive, tchèque et allemande, ce foyer
familial cultivé, qui compte cinq enfants, est fréquenté par des
artistes dont
Franz Kafka.
Sophie Herz, la mère violoniste d’Alice Sommer Herz, a grandi dans
une famille musicienne de Moravie et est une amie d’enfance de
Gustav Mahler, compositeur et chef d’orchestre. Alice Sommer
Herz se souvient avoir entendu, à l’âge de 8 ans, à Prague, la
première représentation de la 2e symphonie de
Mahler. « Jusqu’à présent, quand j’entends Mahler, je sens la
présence de ma mère à mes côtés », dit Alice Sommer Herz qui débute
le piano vers 5-6 ans sous l’œil vigilant de sa mère.
« Pourquoi cette Mitteleuropa, et non l’Afrique, a-t-elle engendré
Mozart, Beethoven et Bach ? Nul ne peut répondre », songe-t-elle.
Agée de 16 ans,
Alice Herz bénéficie auprès de Conrad Ansorge, un des élèves de
Liszt, d’une master class de piano, tandis que sa sœur prend des
leçons auprès d’Alexander Zemlinsky sous la direction duquel elle
chante lors d’une représentation de la 8e symphonie de
Mahler.
Puis,
Alice Herz se perfectionne auprès d’Arthur Schnabel, convaincu
du talent de cette jeune artiste.
Célèbre dans la capitale de la Tchécoslovaquie dès les années 1930,
professeur de piano et concertiste –
elle interprète Schumann, Bach, Beethoven, Suk et Smetana –
notamment avec l’orchestre philharmonique tchèque, elle enregistre
de nombreux disques.
Elle épouse Leopold Sommer, violoniste doué. Le couple a un
fils, Stephan, né en 1937.
Les Sommer Herz s’inquiètent de la montée du nazisme, de l’abandon
par la France et l’Angleterre de la Tchécoslovaquie lors de la
conférence de Munich (29-30 septembre 1938).
Les Allemands nazis envahissent alors la région des Sudètes. Le 14
mars 1939, des amis et membres de la famille d’Alice Sommer Herz,
dont Max Brod et Felix Weltsch qui a épousé sa sœur Irma,
émigrent enPalestine mandataire, via la Roumanie, dans le
dernier train quittant Prague.
Les persécutions antisémites : restrictions dans la plage horaire où
les Juifs peuvent s’approvisionner, expropriations, port de l’étoile
jaune, constitution d’un ghetto…
« La veille de la déportation, j’ai éteint la lumière car je voulais
que mon enfant dorme pour la dernière fois dans son lit. Vinrent
alors mes amis tchèques : ils sont venus pour prendre les images qui
restaient, les tapis, même le mobilier. Ils n’ont pas dit un mot ;
nous étions morts pour eux, je crois. Et au dernier moment, le
voisin nazi nommé Hermann vint avec son épouse. Ils nous ont apporté
des biscuits et ont dit : « Madame Sommer, j’espère que vous
reviendrez avec votre famille. Je ne sais pas quoi vous dire.
J’aimais quand vous jouiez du piano ces œuvres merveilleuses. Je
vous en remercie ». Ce nazi était le plus humain de tous », se
souvient
Alice Sommer Herz.
La mère malade d’Alice Sommer Herz est déportée en 1942 et meurt
rapidement. Sa fille puise dans la musique la force de surmonter sa
douleur : elle étudie 24 études de Chopin particulièrement difficiles, notamment l’étude rapide op.
10, n°12 en Ut mineur dénommée aussi L’Etude révolutionnaire
ou L’étude sur le bombardement de Varsovie.
En 1943, avec son époux et leur fils,
Alice Sommer Herz est arrêtée et déportée au camp de Theresienstadt (Terezin)
conçu par les nazis spécialement pour leurrer
les inspecteurs de la Croix-Rouge, où elle lutte pour la survie
de sa famille. Le chef d’orchestre Rafael Schaechter recrute 150
chanteurs et conduit plus de 15 représentations du requiem de Verdi,
parfois avec en tant que soliste Alice Sommer Herz. Lors de sa
centaine de concerts dont le programme est composé d’œuvres de
Chopin ou Beethoven, Alice Sommer Herz joue devant un public de
« déportés malheureux, souvent âgés et malades ». Son fils Stefan
est distribué dans l’opéra Brundibár d’Adolf Hoffmeister et
Hans Krása (1938) pour le rôle de l’Oiseau ; il tourne aussi les
pages des partitions de musiciens. On peut le voir dans le film de
propagande Der Führer schenkt den Juden eine Stadt (Le
Führer construit une ville pour les Juifs) que Kurt Gerron
(1897-1944) réalisa, sous la contrainte des Nazis, dans ce « camp
modèle » destiné à leur propagande mondiale.
Une partie de sa famille et belle-famille est tuée au camp
d’Auschwitz. Voyant son nom sur la liste des prochains déportés vers
ce camp en 1944, Leopold Sommer fait promettre à son épouse de « ne
pas se porter volontaire pour le rejoindre ». Il décède à Dachau du
typhus six semaines avant la fin de la guerre. A la différence
d’épouses qui demandent à rejoindre leur époux, Alice Sommer Herz
respecte sa promesse. Ce qui la sauve ainsi que son fils.
En mai 1945, l’Armée Rouge libère le camp de Theresienstadt (Terezin).
Des 140 000 déportés dans ce camp, environ 17 000 ont survécu, les
autres ont succombé de famine ou de maladies dans ce camp ou ont été
assassinées à
Auschwitz.
Le frère violoniste d’Alice Sommer Herz part immédiatement pour
Prague.
Après un-deux mois, Alice Sommer Herz et son fils - il est l’un des
quelques 130 enfants survivants du camp de Terezin où environ 15 000
enfants y ont été envoyés - retournent à Prague. Confisqué par les
Nazis, leur appartement est occupé. Leur parentèle décimée.
Alice Sommer Herz donne des concerts diffusés par la radio
tchèque. Ses sœurs, qui vivent en Palestine mandataire, apprennent
ainsi qu’elle est vivante. Sa sœur Mariana et son époux, le
professeur Emil Adler, un des fondateurs d’un
département du Centre médical Hadassah, a un fils, Chaim Adler,
lauréat du Prix Israël pour l’Education. L’un des petits-enfants de
Felix et Irma (1892–1969) Weltsch est l’acteur Eli Gorenstein. Felix
Weltsch a pour cousin Robert Weltsch, rédacteur en chef du
Jüdische Rundschau, puis correspondant de Haaretz.
En 1949, fuyant une Tchécoslovaquie communiste et les relents
d’antisémitisme,
Alice Sommer Herz et son fils s’établissent en Israël où
l’enfant choisit comme prénom Raphaël.
Alice
Sommer Herz enseigne au Conservatoire de musique de
Jérusalem, forme plusieurs générations de pianistes israéliens
et fait mieux connaître les œuvres de
Viktor Ulmann, Pavel Haas, Gideon Klein et Hans Krasa. Ben
Gourion et Abba Eban apprécient cette pianiste dont la carrière ne
dépasse cependant pas les frontières de l’Etat Juif.
En 1958, son fils
Raphaël, diplômé de l’Académie Ruby, obtient une bourse pour
étudier au Conservatoire de Paris. Il se distingue comme
violoncelliste talentueux récipiendaires de nombreux prix. Il épouse
Sylvie Ott, puis divorce, et se remarie avec Geneviève Teullières.
Il s’établit en Grande-Bretagne.
Alice Sommer Herz assiste au
procès d’Eichmann à Jérusalem.
Retraitée,
elle se fixe à Londres (Grande-Bretagne) en 1986 près de
Raphaël Sommer et ses deux petits-fils.
En 2001,
Raphaël Sommer meurt lors d’une
tournée du Solomon Trio en Israël. Ce décès bouleverse tant
Alice Sommer Herz qu’elle est hospitalisée pendant des semaines. Le
Raphael Sommer Music Scholarship Trust et
l’association Raphaël Sommer sont créés.
Alice Sommer Herz pratique la natation quotidiennement jusqu’à
l’âge de 97 ans et étudie l’histoire, la philosophie et l’histoire
du judaïsme à l’université du troisième âge jusqu’à ce que des
problèmes de dos l’en empêchent. Une de ses amies londoniennes est
la violoncelliste Anita Wallfisch qui a joué dans l’orchestre du
camp d’Auschwitz.
A 103 ans,
Alice Sommer Herz (« Gigi ») retrace sa vie dans un livre,
Ein Garten Eden inmitten der Hölle. Ein Jahrhundertleben: Das
Jahrhundertleben (Un jardin au milieu de l’enfer), signé par
Melissa Müller et Reinhard Piechocki et paru en 2006 aux éditions
allemandes Droemer/Knaur. Un bestseller traduit en sept langues sous
des titres souvent fidèles : A Garden of Eden in Hell.
« Ce livre n'a pas encore été publié en français ou en France.
Nous aimerions qu'un éditeur intéressant le publie en France » par
St. Martin's Press, nous confie Ariel Sommer, fils de Raphael
Sommer, le 1er novembre 2011. Et d'ajouter : « Ce livre sera publié
aux Etats-Unis en mars 2012 sous le titre Alice's Piano, The
Life of Alice Herz Sommer (Le piano d'Alice, La vie d'Alice Herz
Sommer) ».
Deux films émouvants souvent primés ont élargi l’audience de
cette pianiste dans le monde :
We Want the Light et
Everything Is a Present.
En 2010, le ministre tchèque de la Culture décerne à
AliceSommer Herz le prix Artis Bohemiae Amicis, distinguant « les
personnalités ayant contribué à la promotion de la culture tchèque à
l’étranger ». S.E. Michael Zantovsky, ambassadeur de la
république tchèque en Grande-Bretagne, lui
remet ce Prix à Londres le 26 novembre 2010.
Christopher Nupen a
réalisé ce
portrait intéressant de cette pianiste qu’il connaît depuis 30
ans. Un
film (« Eine Hommage ») rythmé par des airs de Schubert,
Smetana, Beethoven interprétés par Alice Sommer Herz. « Wow ! Un
phrasé pareil, on n’entend plus ça aujourd’hui », commente admiratif
Pinchas Zukerman.
« Un plaidoyer pour l’humanité et la force de la musique.
Incontournable pour toute chaîne de télévision digne de ce nom »,
écrit, le 4 février 2010, le quotidien suisse Neue Zürcher
Zeitung. Et la Neue Zeitschrift für Musik estime : «
C’est un film essentiel… et un cadeau que de le voir ».
Alice Sommer Herz, un destin d'exception De Christopher Nupen
Allegro Films (Allemagne), 2009, 52 minutes
The
wonder and the grace of Alice Sommer Herz
Everything is a Present
Christopher Nupen Films - A11CND (DVD Video)
Alice Sommer Herz (piano)
Region: 0 (all regions)
Picture format: 16:9 FHA
Sound: Dolby Digital 2.0 stereo
Subtitles: GB/DE/ES/FR/IT
Running time: 54 mins
Format: NTSC
Beethoven : Piano Sonata No. 14 in C sharp minor, Op. 27 No. 2 ‘Moonlight' (1st movement)
Schubert : Impromptu in A flat major, D935 No. 2
Visuels :
Alice Sommer Herz © David Findlay-Allegro
Films
Raphael
Sommer ©
The Raphael Sommer Music Scholarship Trust
How many people remain in good shape, both mentally and physically, at the age of 106? The answer is very few but Alice Sommer Herz is among those exceptional few. And how many have the gift of forgiveness? And how many are free of hatred? Gigi Sommer has both of those qualities. She was imprisoned, with her six-year-old son, in the Theresienstadt concentration camp and saw unspeakable atrocities. She lost both her mother and her husband in Nazi death camps but she does not hate her persecutors. That is not because they are anything other than monstrous criminals but because she has the wisdom to know that all hatred hurts the soul of the hater, not the hated and Gigi Sommer’s inspiring soul is among the things which she has kept intact and unblemished through her hundred and six years. She was a pianist of distinction, played more than 100 concerts in the Theresienstadt camp and is in no doubt that music saved both her sanity and her life and the lives of many others in those unimaginable circumstances. On this DVD Alice Sommer speaks with her quiet grace and wisdom about her life, her experiences and her beliefs. She also plays music by Schubert, Smetana and Beethoven in a manner that reminds us of her teacher Artur Schnabel and a bygone age in music making. At the age of 104 she published a best-selling book, written in collaboration with her by two German writers, (A Garden of Eden in Hell), which has already been printed in seven different languages. That, and our film, We Want the Light of which she is the heroine, have made Gigi Sommer an international star. Film remembers our artists in a way that not one of the other media is quite able to match and Gigi Sommer is an artist worth remembering. |