Mieczysław Weinberg Edition Vol. 1
Neos 11125

EAN: 4260063111259
20 juillet 2011
Total time: 66:59
Live Recording

 

 

Symphony No. 6 for boys’ choir and orchestra op. 79 (1962–1963) 44:11
[01] Adagio sostenuto 12:21
[02] Allegretto 07:24
[03] Allegro molto 07:14
[04] Largo 07:03
[05] Andantino 10:09

Wiener Sängerknaben
Gerald Wirth, choirmaster
Wiener Symphoniker
Vladimir Fedoseyev, conductor
1 August 2010 - Festspielhaus

Sinfonietta No. 1 in d minor op. 41 (1948) 22:47
[06] Allegro risoluto 05:00
[07] Lento 08:08
[08] Allegretto 03:25
[09] Vivace 06:14

Symphonieorchester Vorarlberg
Gérard Korsten, conductor
15 August 2010 - Festspielhaus

Au centre de la rétrospective Weinberg présentée par le Festival de Bregenz en 2010 se trouvait la création scénique de son opéra « La Passagère », mais plus de vingt autres œuvres furent jouées, donnant une impression de l’incroyable richesse que recèle l’œuvre de ce compositeur oublié. Weinberg éprouvait la nécessité de composer pour justifier sa survie à l’Holocauste – il fut le seul survivant de sa famille. Les œuvres symphoniques et la musique de chambre extraordinaire qui en résultent sont pleines de mélancolie et de rébellion. Nous sommes reconnaissants à NEOS de permettre à d’autres de partager la redécouverte de ce compositeur inspiré et important.

David Pountney

Symphonie no 6 en ré mineur pour chœur d’enfants et orchestre op. 79 (1962-1963)

Après la mort de Staline, en 1953, quand débuta une période de « dégel », les artistes purent s’épanouir un peu plus librement. Pour Mieczysław Weinberg aussi, compositeur juif polonais qui avait fui en union soviétique au moment de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne, commença une période fructueuse qui atteint son apogée dans les années 1960. Il composa à cette époque les symphonies no 6, 8 et 9. Œuvres symphoniques de grand format avec chœur, elles témoignent d’un travail sur la guerre passée.
L’idée de Beethoven de rassembler l’orchestre et le chœur en une imposante « symphonie du monde », avait été reprise par Mahler vers 1900. En unissant les mouvements vocaux et instrumentaux dans sa 6ème Symphonie de 1962/63, Weinberg s’inscrit dans cette tradition. L’appareil énorme comporte par exemple six cors et une percussion fournie. Weinberg, dont les parents et la sœur moururent au Ghetto de Varsovie, écrivit un jour : « Nombre de mes œuvres sont en rapport avec le thème de la guerre.
Qu’il en soit ainsi ne repose cependant pas sur une décision que j’aurais prise en toute liberté. Le thème de la guerre est plutôt une préoccupation qui me fut dictée par mon destin et le sort tragique de ma famille. Je considère qu’il est de mon devoir moral d’écrire sur la guerre et sur toutes les atrocités que les gens ont vécues au cours de notre siècle ».
Cependant la Seconde Guerre Mondiale n’est pas le seul fait qui imprègne d’une teinte grave son langage musical ; les persécutions des juifs et sa propre incarcération sous le régime de Staline l’ont aussi influencé. Le 12 novembre 1963, l’œuvre fut créée à Moscou par la Philharmonie de Moscou et le chœur d’enfants de l’Ecole de Chœur de Moscou sous la direction de Kyrill Kondrachine. Dès l’introduction méditative, la 6ème Symphonie laisse entrevoir des expériences décisives, le cor, expressif, présente un thème de lamento.
Le choix des trois textes, lui aussi, est révélateur : le second mouvement est sous-tendu par un poème de Leib Kwitko (1890-1952), un auteur juif qui fut abattu par les services secrets russes en 1952 lors des « vagues d’épuration » staliniennes. Le quatrième mouvement est basé sur un poème de Shmuel Halkin (1897-1960), un poète longtemps incarcéré. Seul le finale utilise un texte fidèle au régime, dû à l’écrivain populaire Michaïl Loukonine (*1918).
L’émouvant poème central raconte les massacres des juifs perpétrés par les nazis en 1941 près de Kiev – que Chostakovitch thématise lui aussi dans sa pièce écrite au même moment, Babi-Jar-Symphonie. Halkin rappelle par de sombres paroles les « cris des enfants dans la nuit ». L’emploi d’un chœur d’enfants dans la symphonie confère à ce passage un effet saisissant, alors que la dynamique en accentue la tension. Le scherzo ambitieux et déchaîné, allie la tradition de Bruckner et de Mahler à la manière sarcastique de Chostakovitch.
On remarquera l’écriture polyphonique qui révèle la maîtrise de Weinberg. Que cette symphonie s’éclaire vers la fin pourrait être une concession aux consignes du « réalisme socialiste ». L’auditeur ne devait pas quitter la salle trop abattu, la victoire et la paix remportés par les forces armées russes devaient rester présentes en tant que message. Weinberg relie tout d’abord la fin lumineuse et calme en la majeur à un souvenir du triste premier mouvement.
Mais l’espoir en une vie paisible fait son chemin chez Weinberg jusqu’à devenir une aube se levant au-dessus de la Volga, du Mississipi et du Mékong, unissant les peuples. En conclusion un violon esseulé chante « la paix sur terre ». Cette utilisation symbolique du violon, instrument si cher à la musique populaire juive, rappelle un peu la musique de film que John William a composée pour le film de Steven Spielberg La Liste de Schindler. Chostakovitch était d’ailleurs profondément impressionné par la 6ème Symphonie de Weinberg et la faisait analyser dans ses cours au Conservatoire de Leningrad.

Sinfonietta no 1 en ré mineur op. 41 (1948)

Que Tichon Chrennikow, membre de l’Union des Compositeurs Soviétiques, ait pu caractériser la première Sinfonietta de Mieczysław Weinberg d’« œuvre lucide, optimiste […], sur la vie professionnelle lumineuse et libre du peuple juif au pays du socialisme » peut paraître carrément cynique.
L’œuvre, composée en 1948, vit tout de même le jour sur fond de stalinisme, de réveil de l’antisémitisme et de chicanes des compositeurs. Cependant le caractère positif et intelligible de la Sinfonietta eut l’heur de convenir pour une fois au gouvernement. On n’y décelait d’ailleurs aucune « musique moderniste », pour laquelle Weinberg avait auparavant essuyé des blâmes. Pourtant dans cette œuvre aussi, son écriture est progressiste, au niveau de son époque. Grâce à l’esprit avenant de la musique populaire juive, il détourne l’attention de son « formalisme » raffiné.
Dès le premier abord, la Sinfonietta no 1 op. 41 se présente comme un morceau de bravoure pour orchestre, avec des thèmes entraînants et de merveilleuses cantilènes. L’utilisation d’éléments mélodiques caractéristiques, comme les secondes augmentées, procure un coloris folklorique. Certains instruments comme le hautbois, le violon et le cor sont mis en valeur par des soli, dans le mouvement lent en particulier. Les réexpositions des deux mouvements externes sont intelligemment contractées et le scherzo tend de manière atypique à devenir un mouvement à variations.
Certains passages peuvent rappeler son ami, Dmitri Chostakovitch. Il réussit lui aussi dans plusieurs œuvres le grand écart entre une apparence divertissante et une profondeur sous-jacente. Weinberg, quant à lui, récusait cependant une parenté stylistique avec « le plus grand compositeur du XXème siècle » et renvoyait à une affinité plus intérieure : « Plusieurs personnes croient et ont même écrit, que j’étais élève de Chostakovitch, ce qui n’est pas le cas. En revanche, l’école de Chostakovitch a joué un rôle fondamental pour mon travail artistique. »

Matthias Corvin
Traduction : Catherine Fourcassié