Mieczysław Weinberg Edition Vol. 4
Neos 11128

EAN: 4260063111280
20 juillet 2011
Total time: 67:06
Live Recordings

 

 

Sonata for Violoncello and Piano No. 2 op. 63 (1959) 20:21
[01] Moderato 06:05
[02] Andante 07:17
[03] Allegro 06:59

Christoph Stradner, violoncello
Luca Monti, piano
8 Août 2010 - Lake Studio

Piano Quintet op. 18 (1944) 46:43
[04] Moderato con moto 08:58
[05] Allegretto 07:04
[06] Presto 05:56
[07] Largo 16:01
[08] Allegretto agitato 08:44

EOS-Quartett Wien
[Willy Büchler, violin · Christian Blasl, violin · Roman Bernhart, viola · Andreas Pokorny, violoncello]
Doris Adam, piano
25 Juillet 2010 - Lake Studio

Au centre de la rétrospective Weinberg présentée par le Festival de Bregenz en 2010 se trouvait la création scénique de son opéra « La Passagère », mais plus de vingt autres œuvres furent jouées, donnant une impression de l’incroyable richesse que recèle l’œuvre de ce compositeur oublié. Weinberg éprouvait la nécessité de composer pour justifier sa survie à l’Holocauste – il fut le seul survivant de sa famille. Les œuvres symphoniques et la musique de chambre extraordinaire qui en résultent sont pleines de mélancolie et de rébellion. Nous sommes reconnaissants à NEOS de permettre à d’autres de partager la redécouverte de ce compositeur inspiré et important.

David Pountney

Sonate pour violoncelle et piano n° 2 op. 63 (1959)

Le célèbre violoncelliste Mstislav Rostropovitch fit la connaissance de Weinberg par l’intermédiaire de Chostakovitch, dont le Premier concerto pour violoncelle avait été écrit pour cet interprète très demandé en 1959. La Sonate pour violoncelle de Weinberg, qui vit le jour au même moment, pourrait être une réaction à cette œuvre. Par ailleurs, le compositeur a toujours tenu à affirmer son indépendance artistique vis-à-vis de Chostakovitch.
Entre ces deux personnalités s’établit plutôt un dialogue fertile. Ils se montraient leurs nouvelles œuvres pour avoir l’avis de l’autre et s’inspiraient mutuellement. Et puis, ce qui n’est pas négligeable, Chostakovitch a agi en faveur de Weinberg, qui était plus jeune que lui, même dans les périodes difficiles sur le plan politique. Il est tout à fait remarquable que le thème principal du Concerto pour violoncelle de Chostakovitch se retrouve dans le finale de la Deuxième sonate de Weinberg. On ne saurait donner plus proche témoignage d’amitié.
L’emploi percussif du piano dans le finale rappelle quelque peu la manière dont Bartók conjugue le folklore et l’harmonie moderne dans son Allegro barbaro (1911). Ce mouvement souligne encore une fois les grandes capacités pianistiques de Weinberg dont l’art au piano suscitait même l’enthousiasme de Rostropovitch : lors d’un récital de mélodies donné par sa femme Galina Vichnevskaïa, Weinberg remplaça au pied levé Sviatoslav Richter malade et s’acquitta avec bravoure de l’ambitieux programme.
Les deux premiers mouvements de la Sonate pour violoncelle de Weinberg sont empreints de lyrisme et mettent merveilleusement en valeur le caractère chantant du violoncelle. La vaste courbe mélodique du Moderato accentue magnifiquement le registre grave de l’instrument. Musique populaire et souffle expressif s’y fondent. La longue progression que développe Weinberg est grandiose, elle culmine après cinq minutes environ puis une courte chute lui fait écho.
Le mouvement central débute comme une berceuse tendre, Weinberg fait d’abord murmurer son violoncelle avec la sourdine, puis il lui attribue de sensibles pizzicati. Prééminence mélodique et accompagnement passent sans heurts d’un partenaire à l’autre. On a souvent cité la Sonate pour violoncelle en ré mineur op. 40 de Chostakovitch comme point de référence pour la Deuxième sonate de Weinberg.
On peut certainement déceler quelque parenté, mais aussi beaucoup de différences. Elles ne concernent pas seulement le nombre de mouvements (chez Chostakovitch quatre, chez Weinberg cinq), mais surtout la structure plus concise chez Weinberg et l’écriture toujours très transparente pour le piano. Lui-même insistait sur le fait que l’amitié qui le liait à Chostakovitch avait plutôt « inconsciemment donné des ailes à sa créativité de compositeur ».

Quintette avec piano op. 18 (1944)

Parmi les compositions les plus remarquables datant de l’époque de la seconde guerre mondiale se trouve le Quintette avec piano op. 18. Il fut créé par Emil Gilels et des musiciens du Théâtre du Bolchoï le 18 mars 1945 à Moscou. Il existe également un enregistrement réalisé au début des années 60 avec Weinberg au piano et le Quatuor Borodine. Le caractère extroverti de certains passages fait peut-être allusion à l’époque émouvante, à laquelle cette œuvre a vu le jour.
Le compositeur avait fui  son pays, la Pologne, en 1939 devant la Wehrmacht allemande. Il vécut tout d’abord à Minsk en Biélorussie puis à Tashkent, la capitale ouzbèque. L’influence culturelle de ces villes a certainement marqué le jeune homme ; Weinberg y rencontra de nombreux artistes et musiciens émigrés. A la fin de l’été 1943, Weinberg s’installa avec sa jeune femme Natalia à Moscou – sur l’invitation de Chostakovitch qui le soutenait.
Comme le célèbre quintette de Chostakovitch, celui de Weinberg s’articule en cinq mouvements. Il a deux scherzos qui, avec le finale endiablé, constituent le souffle dynamique et le moteur qui anime la pièce. Le mouvement lent et le moderato initial, en revanche, sont imprégnés d’expressivité et d’un ton mélancolique. On a parfois l’impression d’entendre une musique commémorative. Weinberg pensait certainement souvent à ses parents et à sa sœur qu’il avait dû abandonner et qui trouvèrent la mort à Varsovie.
Ces aspects du quintette, très subjectifs et liés au vécu, sont intégrés cependant dans une forme et une élaboration d’ordre supérieur. L’œuvre, achevée en 1944, fait montre d’une construction très sophistiquée. Ainsi les thèmes introductifs parcourent comme un fil rouge les cinq mouvements de l’œuvre. Un contrepoint filigrane et une sonorité raffinée révèlent le génie du jeune Weinberg qui se présente ici au monde musical avec beaucoup d’assurance.
Le traitement varié des instruments à cordes et leur rapport parfois nouveau avec l’ambitieuse partie de piano dévoilent une nouvelle qualité de musique de chambre. Ce que reconnut déjà le compositeur russe Youri Levitan dans la critique qu’il écrivit lors de la publication de la partition ; il fit particulièrement l’éloge de « l’Adagio lyrique, bouleversant et profondément méditatif ».

Matthias Corvin
Traduction : Catherine Fourcassié