Songs of Travel
Prospero PROSP0078, DDD, 2023

Alexandre Beuchat (Baryton), Marija Bokor (Piano)
Recorded : 16-18 March 2023
Kulturzentrum La Prairie Bellmund, Schweiz
Released : 4.10.2024
Total Time : 72:20

 

 

01-09 Ralph Vaughan Williams (1872-1958) : Songs of Travel
01 The Vagabond 3.11
02 Let Beauty Awake 1.42
03 The Roadside Fire 2.14
04 Youth and Love 3.28
05 In Dreams 2.36
06 The Infinite Shining Heavens 1.59
07 Whither Must I Wander 3.43
08 Bright Is the Ring of Words 1.46
09 I Have Trod the Upward 1.51 and the Downward Slop

10-13 Franz Schubert (1797-1828) / Franz Liszt (1811-1886) : Selected Songs
Franz Schubert (1797-1828) / Franz Liszt (1811-1886)
10 Das Wandern S. 565/1 1.47
Franz Schubert
11 Im Abendrot D 799 3.32
12 Wanderer an den Mond D 870 2.03
Franz Schubert / Franz Liszt
13 Wohin S. 565/5 3.18

14-17 Ernest Bloch (1880-1959) : Poèmes d'Automne
14 La Vagabonde 4.02
15 L’Abri 7.44
16 Le Déclin 5.14
17 Invocation 5.52

18-21 Gustav Mahler (1860-1911) : Lieder eines fahrenden Gesellen
18 Wenn mein Schatz Hochzeit macht 3.23
19 Ging heut’ Morgen über’s Feld 4.01
20 Ich hab’ ein glühend Messer 3.13
21 Die zwei blauen Augen von meinem Schatz 5.12

Pour le baryton Alexandre Beuchat et la pianiste Marija Bokor, vivre avec la musique est un voyage passionnant et sans fin ; un voyage à travers les œuvres et les époques les plus diverses, un voyage vers le lointain et un voyage vers soi-même.
Pour l'album Songs of Travel, ils se sont lancés sur ce chemin aussi ardu que gratifiant, avec des chansons de Vaughan Williams, Schubert / Liszt, Bloch et Mahler.

 

Ernest Bloch (1880-1959) : Poèmes d'Automne
Textes : Béatrix Rodès
https://prospero-classical.com/wp-content/uploads/2019/09/ALEX_MARIJA_GESANGSTEXTE_digital.pdf
       
14 LA VAGABONDE
Elle a passé dans le vent d’automne.
Elle cheminait par les routes blêmes,
loin des bois roussis et craquants,
vers les hameaux inhospitaliers,
sous le ciel morne comme son cœur.
Elle allait, elle allait d’une allure accablée,
lourde des souvenirs accrochés à ses haillons,
enchâssés dans sa chair douloureuse,
et ses pieds las étaient gonflés,
et ses yeux étaient farouches.
Nul regard ne croisait la véhémente détresse des siens,
et nulle main ne frôlait ses doigts meurtris
dans sa marche triste vers l’inconnu.
Elle a passé dans le vent d’automne,
la sans foyer, la sans amour, la sans Dieu.
15 L’ABRI
J’écoute la voix de mon rêve…
Pour aller à toi je longerai le fleuve aux furieuses vagues beiges,
je retrouverai les chemins effondrés aux flaques troubles
qui reflètent des paysages inconnus.
Mes pieds seront alourdis de boue,
et ma marche vers toi sera lente et pénible,
comme celle des nuages
aux contours bizarres et aux teintes mauvaises
qui ceinturent la terre oppressée,
nostalgique de soleil.
Les mouettes au vol pesant
tournoieront au-dessus des flots tourmentés
en poussant des cris plaintifs
la pluie froide humectera mes lèvres arides,
et le vent, qui cingle mon visage nu et brutalise mes cheveux dénoués,
arrachera par nuées les feuilles mourantes des arbres,
qui semblent protester en de grands gestes pathétiques
de toutes leurs branches malades.
Et j’irai, j’irai dans le crépuscule d’orage
vers l’abri chaud où tu m’attends ;
quand j’entrerai dans la maison,
tu prendras dans les tiennes mes mains raidies
et tu laisseras ma tête lasse reposer sur ton épaule.
Nous resterons ainsi, au coin du feu,
sans transports, sans paroles.
Mes sanglots seuls te diront
combien longtemps j’ai trébuché dans les sentiers obscurs,
et toutes les pierres cruelles qui ont écorché ma chair,
eux seuls t’apprendront combien de temps j’ai jeté
dans la nuit vaste mon cri de détresse et d’abandon.
Ne me demande pas des gestes fous de passion ;
enveloppe de tes bras d’amour mon corps exténué et tremblant,
et que je sente ton cœur battre le rythme
de ta vigilante tendresse,
le Bonheur a tes yeux.
16 LE DÉCLIN
Dans le verger paisible,
bordé là-bas de peupliers aux frissonnantes feuilles d’or,
dans le verger bleuté et roux,
la femme qui sera vieille demain
promène sa mélancolie.
Une tunique fauve voile son corps divin,
atteint du mal d’automne,
et sa chevelure, à reflets de cuivre,
effleure son beau visage fané
et rutile sur ses épaules.
Elle tient des chrysanthèmes
dans ses mains sensitives encore épargnées,
et de leurs tiges rudes
elle tourmente sa gorge et son cou
tandis que ses regards assombris
suivent les pétales teintés de feu qui s’effrangent sur sa robe
et s’éparpillent dans l’air tiède.
Les souffles errants se jouent sur ses lèvres qui se souviennent,
et elle s’arrête pleine d’angoisse parfois,
car elle aperçue dans l’odeur acide
des fruits oubliés qui pourrissent sur l’herbe,
comme un relent de mort.
Les feuilles s’effritent sous ses pas,
les rameaux s’entrechoquent au vent du soir,
et la femme pleure sa beauté qui s’en va.
17 INVOCATION
Les colonnes du temple s’animent
d’une pâleur plus chaude dans la pourpre du couchant.
C’est l’heure pacifique où le bois de sycomores
s’emplit de mystère et d’aménité.
Sur la stèle fruste de la clairière sacrée,
la prêtresse a déposé la cassolette fumante.
Une à une, les mains jointes, les vierges,
drapées en la candeur de leurs mols vêtements,
défilent dans la sente tracée par leurs pas et se prosternent,
les bras croisés sur la gorge, dans l’attitude adorante du rite.
Devant l’autel où brûle l’offrande parfumée,
et tandis que la flamme monte,
monte vers les feuilles attardées aux rameaux,
tandis que l’air vibre alentour
et qu’à travers les voiles de fumée
les arbres semblent chanceler et se raidir
en des poses extatiques,
des formes blanches encore émergent du lointain flou,
telles de grandes fleurs étranges,
à leur approche, le bois s’abime dans le silence,
et recueille son âme éparse.
C’est l’heure pacifique.