La voix du rêve Chant de Natzweiler-Struthof Paroles et musique de Arthur Poitevin Composé dans le Block 10, le 19 janvier 1944 Arthur Poitevin, surnommé "Tutur de Bayeux", né le 6 décembre 1917 à Bayeux (Port-en-Bessin-Huppain, Calvados), où il est mort en 1951, à l'âge de 34 ans, était un organiste. Le Block 10 du camp du Struthof était sous la direction d'un kapo luxembourgeois qui tolérait les instruments de musique des détenus, ainsi que leurs chants. Après sa libération, il retourna à Bayeux comme organiste de la cathédrale. http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?id=46274 |
Témoignages de internés au camp de Natzweiler-Struthof sur la chanson par Arthur Poitevin: “L'aveugle, Tutur, considérait qu'il fallait tenir, résister. Un soir, au
réfectoire, un chant s'éleva dans le silence. Tutur venait d'inventer les
paroles et l'air d'une chanson sur le camp de Natzweiler, et il la chantait pour
remonter le moral de ses copains. Cette fois encore, c'était lui qui donnait une
leçon de courage aux autres. À sa manière, il participait à la solidarité et
donnait une leçon de dignité humaine. Source : Roger Leroy, Roger Linet, Max Nevers (préface du Dr Henri Laffitte) |
Quand revient le moment du rêve,
Que peu à peu le Block entier s'endort,
Dans le soir qui s'achève,
Quand le vent de la nuit vient pleurer près des miradors,
Parfois en notre âme un peu lasse,
Monte soudain un trouble sans pareil,
C'est comme un gai refrain qui passe,
C'est comme un rayon de soleil.
Écoutez c'est la voix du rêve,
Qui revient chanter en nos cœurs,
Déjà l'aube se lève,
Présageant pour l'avenir des jours meilleurs,
Miradors, barbelés, brimades, cela n'est plus que des souvenirs amers,
Nous rirons de nos peines bien loin de Natzweiler.
Le songe a supprimé l'espace,
À la maison nous voici de retour,
La chaise est à sa place,
Au coin de la table où nous prenions nos repas chaque jour,
Voici venir le cher visage,
Nos bienaimés nous sourient tendrement,
Pour ne pas troubler le mirage,
Les gars ronflez plus doucement.
Quelle allégresse règne en notre âme,
Ah! Quel bonheur! Ah! qu'il fait bon chez nous!
Enfants, parents ou femmes,
Tous leurs baisers ne nous avaient jamais semblé si doux,
Notre fringale est apaisée,
Plus de Mutzen! Adieu les numéros,
Fini: appels, rabiots, corvées,
Mais ne remue pas tant là-haut.
Aujourd'hui cela n'est qu'un songe,
Oui! Mais demain le réalisera,
Si les jours se prolongent,
Disons-nous que bientôt la liberté nous reviendra,
Pour cette liberté chérie,
Préparons bien nos cœurs et nos esprits,
Afin que nos fils en leur vie,
N'aient à jamais, à venir ici.
Natzweiler est un mauvais rêve,
Qui bientôt fuira de nos cœurs,
Déjà l'aube se lève,
Présageant pour l'avenir des jours meilleurs,
Miradors, barbelés et chaînes, ne seront plus que souvenirs amers,
Nous rirons de nos peines bien loin de Natzweiler.
Contribution de Bernart Bartleby - 2013/12/16 - 11:33