Le camp de concentration de Jasenovac (Croatian, Serbian: Logor Jasenovac; Serbian Cyrillic: Логор Јасеновац; Yiddish: יאסענאוואץ; Hebrew: יסנובץ, sometimes spelled "Yasenovatz") aussi connu sous le nom d’«Auschwitz croate»[1], était un camp de concentration et un camp d'extermination créé par le régime des Oustachis dans l'État indépendant de Croatie le 10 avril 1941[2] (NDH sous la diictature de Ante Pavelić) pendant la Seconde Guerre mondiale. Il fut le seul camp d'extermination de la Seconde Guerre mondiale non géré par les nazis de sa construction jusqu'à sa destruction. Jasenovac fut le plus grand camp de Croatie et le troisième camp de la mort le plus «productif» après ceux d'Auschwitz et de Treblinka[1],[3],[4]. Le réseau des camps croates comprenait en tout 80 camps, tous mis en place et gérés par le régime oustachi[5].
Pour marquer la particularité du camp de concentration croate, en juillet 2010, le président israélien, Shimon Peres déclarera "Ce camp se distingue des autres à plus d'un titre. Tout d'abord parce que les victimes n'étaient pas nécessairement uniquement juives... Et il se distingue aussi par la façon dont on y tuait les gens, à l'aide de marteaux, de couteaux, de pierres", autant de manifestations d'un "pur sadisme" [6], a poursuivi le président israélien, qui a eu une grande partie de sa famille exterminée par les Allemands.
Un monument dessiné par l'architecte serbe Bogdan Bogdanović y a été construit à la mémoire des victimes. Tous les ans des représentants du gouvernement croate et serbe se rendent sur les lieux du camp, les uns pour demander pardon, les autres pour se souvenir.
Le premier pays à mettre en place la Solution finale dans un camp fut l'État indépendant de Croatie[7]. En effet, les Juifs de l'État indépendant Croatie (y compris la Bosnie-Herzégovine qui était sous contrôle oustachi) furent parmi les premières victimes de la «solution finale» dans un espace clos. Des exterminations de Juifs avaient débuté dans la même période, à savoir pendant l'été, automne de 1941, en Union soviétique, mais elles n'avaient pas encore eu lieu dans des camps[7]. Jasenovac fut le premier camp d'extermination en activité.
Le camp de Jasenovac était constitué de cinq sites de détention créés entre août 1941 et février 1942 par les autorités de l'État indépendant de Croatie, au confluent des rivières Una et Sava. Il fut le plus grand en Croatie et le troisième camp de la mort le plus «productif» après ceux d'Auschwitz et de Treblinka.
Dans ce camp furent déportés des Juifs et des Tziganes ainsi que des résistants aux nazis et aux Oustachis (des Serbes en particulier). Le camp no 1 est créé pour les Juifs et les Tziganes. Le camp no 2 est créé ensuite, pour les autres déportés. En novembre 1941, ces camps sont inondés par la Sava. Trois autres camps sont alors créés.
Jasenovac ne possédait pas de chambres à gaz; les prisonniers y étaient tués par épuisement au travail, en les affamant, avec des armes à feu et des armes blanches; les maladies qui y sévissaient ont également tué de nombreux prisonniers. Une partie des victimes fut enterrée alors qu'une autre fut brûlée dans des fours crématoires, aménagés dans une ancienne briqueterie. Certains d'entre eux étaient encore vivants quand les gardiens les y ont jetés, selon Edmond Paris.
Le camp était dirigé par le général oustachi Vjekoslav Luburić. Le garde Petar Brzica s'y illustra en coupant, en une nuit, la gorge de 1360 Serbes et Juifs avec un couteau de boucher ce qui lui valut le titre de «Roi des coupe-gorges».
Les Oustachis ont tenté de convertir au catholicisme les Serbes; ceux qui restaient chrétiens orthodoxes étaient exterminés avec les Juifs et les Tsiganes, comme tous ceux qui s'opposaient a eux, notamment les partisans résistant croates pro-yougoslave. Ils créèrent plusieurs camps de concentration, dont notamment celui de Jasenovac. Le ministre oustachi de la culture, Mile Budak, affirma lors d'un discours qu'un tiers des Serbes devaient être convertis, un tiers exterminés et un tiers chassés de l'État indépendant croate.
Le nombre exact de victimes, spécialement de victimes serbes n'est pas connu, seules des estimations existent, mais il est certain que plusieurs centaines de milliers de personnes furent tuées dans les camps de concentration et en dehors. Les livres d'histoires de la République fédérale socialiste de Yougoslavie parlaient de 1700000 victimes pour l'ensemble de la Yougoslavie, chiffre calculé en 1946 sur la base de la perte démographique de population (la différence entre le nombre actuel de personnes après la guerre et la population qu'aurait compté le territoire si la croissance démographique d'avant guerre s'était poursuivie). C'est le nombre qui fut utilisé par Edvard Kardelj et Moše Pijade pour la demande de réparation de guerre faite à l'Allemagne[8].
Une étude de la fin des années 1980 du Croate Vladimir Žerjavić et du Serbe Bogoljub Kočović, Gubici stanovnistva Jugoslavije u drugom svjetskom ratu, estime à 550000 Serbes, 20000 Croates, 90000 Bosniaques, 60000 Juifs, 50000 Monténégrins et 30000 Slovènes le nombre de victimes du régime oustachi[9],[8].
Selon le dossier du président Roosevelt, en vue de la conférence de Téhéran
1943, 744000 Serbes furent exterminés dont 600000 exclusivement par les
oustachis, le rapport précise qu'il ne tient pas compte des pertes militaires
des résistants ni des pertes civiles dû au bombardement[10].
Les sources serbes officielles quant à elles estiment à 700000 le nombre de
Serbes exécutés par les oustachis[10].
Sur les 35000 Juifs vivant sur le territoire, seuls 20% (environ 6000)
survécurent à la guerre[11].
Selon le démographe croate Vladimir Zerdajic, 19800 Juifs ont été tués dans les
camps croates, dont treize mille dans celui de Jasenovac[12].
Des milliers d'autres Juifs furent déportés vers les
camps d'extermination nazis à partir de 1942, avec l'approbation du
gouvernement croate, qui laisse également les dizaines de Croates juifs vivant
en Allemagne être déportés[13].
Les victimes juives seraient, selon le dossier du président Roosevelt cité
plus haut, de 63200 victimes dont 24000 hors de Yougoslavie dans les camps et
de 39000 en Yougoslavie[10].
De même, on dénombra 40000 Tsiganes de moins après la fin du conflit.
Selon l'étude du Croate
Vladimir Zerjavic, dont les résultats concordent avec ceux du Serbe
Bogoljub Kocovic le nombre réel de victimes à Jasenovac est de 85000, dont
50000 Serbes,
13000 Juifs,
12000 Croates
et 10000 Tsiganes[14].
Le 20 avril 1998
lors du procès, en Croatie, du criminel de guerre
Dinko Šakić, responsable du camp en 1944, l'acte d'accusation a retenu le
chiffre de 50000 victimes.
Selon le
United States Holocaust Memorial Museum:
http://oublions-pas1945.skyrock.com/25.html
Le camp de Jasenovac est ouvert début
septembre 1941. La ville de Jasenovac se situe au confluent de la Save et de l'Una,
à 100km au nord de Zagreb le long de la voie de chemin de fer reliant Zagreb à
Belgrade. La ville possède une grande briqueterie « Ciglara » et une usine de
métallurgie, « Loncara ». La région, assez humide est soumise chaque printemps
et chaque automne à d'importantes inondations.
Il se développe rapidement pour devenir un complexe de 5 grands et 3 petits
camps occupant une superficie de 24 km2. Au dessus de la porte principale, une
inscription : « Tout pour le Führer » (ainsi était appelé Pavelic, « Poglavnik –
Führer ») et en dessous « Camp de rassemblement N°III – Service du travail de la
défense de l'Ustasa ». L'ensemble des camps a une capacité d'accueil de 7.000
détenus, mais n'en contiennent en général que 3 ou 4.000. Glaise von Horstenau
l'a visité une fois et l'a nommé « Sommet de la répulsion » (« Das Gipfel des
Widerwärtigkeit »).
Le camp I et le camp II ne subsistent que quelques mois, alors que le camp III,
ouvert à partir de novembre 1941 va rester en activité durant 4 années. Ce camp,
entouré sur trois côtés d'un mur de 3 mètres de haut, comprend les baraques de
détenus et de nombreux ateliers de travail. L'entrée du camp se situe côté ouest
sur la route reliant le long de la Save les localités de Kosutarica à Jasenovac
et continuant sur Stara Gradiska. Coté sud, le camp est limité par le fleuve,
qui empêche toute évasion. Ce camp III a une superficie d'environ 1,5 km2. Près
de la porte d'entrée principale se trouvent la direction du camp, les bâtiments
administratifs ainsi qu'une tour haute de 24 mètres (tous ces bâtiments seront
dynamités par les Oustachis à la fin de la guerre). Il y a encore une raffinerie
et une baraque de stockage de cloches prises dans les églises serbes orthodoxes,
baraque qui sera transformée en lieu de torture où les Oustachis laisseront
mourir de faim de nombreux détenus.
Dans la localité de Jasenovac se trouve le camp IV (rue Dimitrijeva), ancien
bâtiment industriel transformé en ateliers travaillant le cuir. Les détenus
employés sont des professionnels du métier. Ils y sont mieux traités et mieux
nourris, car l'armée a grand besoin d'eux pour ses équipements en cuir.
Le 6 avril 1941 les troupes du Reich, d'Italie, de Bulgarie et de Hongrie
envahissent la Yougoslavie. Les vainqueurs se partagent le pays et créent le 10
avril à partir de la Croatie et de la Bosnie l'état indépendant de Croatie «
Nezavisma Drzava Hrvatska » Salué par la grande majorité des Croates, cet état
compte à côté des 3,5 millions de Croates, environ 2 millions d'autres
personnes, en grande majorité des Serbes.
Le mouvement Oustachi au pouvoir a été fondé en 1929 par l'avocat de Zagreb Ante
Pavelic (1889-1969). Pavelic est un fidèle adepte du « père de la patrie », Ante
Starcevic (1823-1896) dont les radicaux vantent la pensée très proche des
principes fondamentaux du fascisme, principalement l'idée de la race telle que
la concevait Hitler. Mais même les journaux pro fascistes décrivent les
Oustachis comme des gardes incultes et incapables qui mesurent leur patriotisme
à l'aune du nombre de Serbes et de Juifs massacrés.
Très rapidement sont édictées des lois et décrets fascistes ressemblant trait
pour trait aux lois nazies : loi pour la protection du peuple et de l'état (17
avril), loi sur l'appartenance à la race (30 avril), loi sur la protection du
sang aryen et de l'honneur du peuple croate (30 avril). La manière dont il faut
traiter les minorités fait l'objet d'un discours le 22 juillet 1941 à Gospic de
Mile Budak (1889-1945) fêté par les Oustachis, représentant « doglavnik » du
chef de l'état et ministre du culte : « Le mouvement oustachi est basé sur la
religion. Pour les minorités –Serbes, Juifs, Tziganes – nous avons 3 millions de
cartouches : un tiers des Serbes, nous les tuerons, un second tiers, nous les
déporterons. Ceux qui resteront seront enrôlés de force dans l'armée croate
catholique et romaine et deviendront de bons Croates. Ainsi notre nouvelle
Croatie sera vidée de tous les Serbes et sera d'ici à 10 ans à 100% catholique.
»
Effectivement, les méthodes employées sont fort éloignées des principes nazis :
les Oustachis n'emploient ni les gaz ni les fusillades pour massacrer
systématiquement Serbes, Juifs et Tziganes (dans cet ordre). Ce qu'il
accomplissent à la hache, à la masse et au couteau finit par provoquer les
réactions et les protestations des émissaires allemands comme le général Edmund
Glaise von Horstenau et l'ambassadeur Hermann Neubacher. Ils s'élèvent contre la
folie meurtrière débridée et la « croisade croate de la destruction » des
Oustachis. L'armée italienne réagit beaucoup plus directement en reprenant
possession le 5 septembre 1941 de l'Herzégovine afin de protéger les Serbes et
les Juifs de la folie meurtrière des Oustachis.
Parmi les premières lois du nouvel état croate il est prévu en mai 1941
d'interner dans des camps tous les opposants au régime. Rapidement sont érigés
les camps de Jasenovac, Dakovo, Sisak, Stara Gradiska, Lepoglava, Lobor...
Jasenovac est de loin le camp le plus important. Le 25 novembre 1941 Pavelic et
son ministre de la justice Mirko Puk signent l'ordonnance permettant
l'internement en camp de tout opposant pour motifs « racistes, religieux,
nationaux ou politiques... »
http://www.ushmm.org/wlc/fr/article.php?ModuleId=197
Le camp de Jasenovac était constitué de cinq sites de détention créés entre août 1941 et février 1942 par les autorités de l'État indépendant de Croatie. La création cet État avait été proclamée par le mouvement fasciste et séparatiste croate des Oustachis le 10 avril 1941 ; cet État fut créé lorsque les membres de l'Axe (Allemagne, Italie, Hongrie et Bulgarie) démembrèrent l'État yougoslave.
A la fin du mois d'août 1941, les autorités croates créèrent les deux premiers sites du complexe de Jasenovac : Krapje et Brocica, à 100 kilomètres au Sud de Zagreb. Ces deux camps furent fermés quatre mois plus tard. Les trois autres camps du complexe étaient : Ciglana, créé en novembre 1941 et démantelé en avril 1945 ; Kozara, créé en février 1942 et démantelé en avril 1945 et Stara Gradiska, qui avait été un centre indépendant de détention pour prisonniers politiques depuis l'été 1941 et qui fut transformé en camp de concentration pour femmes pendant l'hiver 1942.
Ces camps étaient gardés par la police politique croate et le personnel de la milice oustachi, une organisation paramilitaire du régime.
Les conditions de détention dans les camps de Jasenovac étaient terribles. Les prisonniers ne recevaient que très peu de nourriture. Les installations sanitaires et les abris étaient totalement inadaptés. Les gardes oustachis terrorisaient, torturaient et assassinaient les prisonniers avec une incroyable cruauté.
Entre la création du camp en 1941 et son évacuation en avril 1945, des dizaines de milliers de personnes furent assassinées à Jasenovac. Parmi les victimes, il y eut entre 20 000 et 25 000 Juifs, dont la plupart mourut avant août 1942, lorsque commencèrent les déportations des Juifs croates vers Auschwitz. Il y eut en tout entre 60 000 et 80 000 victimes dans le camp. Les autorités croates assassinèrent au moins 250 000 résidents serbes de Croatie et de Bosnie entre 1941 et 1943 ; des dizaines de milliers d'entre eux furent assassinées ou moururent à Jasenovac. Les autorités croates déportèrent les Juifs de tout le pays à Jasenovac et abattirent la plupart d'entre eux dans les camps d'extermination voisins de Granik et Gradina. Les Juifs qui possédaient des qualifications ou une formation dont les Croates avaient besoin étaient épargnés. Les médecins, les électriciens, les charpentiers et les tailleurs juifs, entre autres, furent mis au travail forcé dans des ateliers. Pendant l'été 1942 et en mars 1943, la plupart des Juifs croates qui restaient (environ 7 000 au total) fut raflée par les autorités croates et déportée à Auschwitz-Birkenau, situé en Pologne sous occupation allemande.
Alors que des unités de partisans sous le commandement du dirigeant communiste Joseph Tito approchaient de Jasenovac à la fin du mois d'avril 1945, plusieurs centaines de prisonniers se révoltèrent contre les gardes oustachis. Bon nombre des prisonniers furent tués ; un petit nombre parvint à s'échapper. Les gardes oustachis assassinèrent les prisonniers survivants avant de démanteler les trois derniers camps de Jasenovac à la fin avril. Les partisans yougoslaves s'emparèrent de Jasenovac au début du mois de mai 1945.