Mélodies à découvrir, Mélodies de toujours Polymnie 160751 Anne Bacquet, soprano Damien Nédonchelle, piano 2006 * Première Mondiale |
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1. Apoutchin (1841-1893) - Tchaïkovski (1840-1893)
Il m’aimait tant ! (1875)
Cette mélodie est contemporaine du célèbre opéra du compositeur,
Eugène Onéguine (1879). Doucement
mélancolique, elle est à la fois subtile et proche du caractère populaire du
folklore russe. On remarquera qu’Apouchtin, cet ami très cher de Tchaïkovski,
est mort la même année que lui.
Il m’aimait tant mais moi je ne l’aimais pas
Pourtant, chaque fois qu’il venait, je rougissais et tremblais
et mon cœur cognait fort.
Il m’aimait tant mais moi je ne l’aimais pas !
Donc, je m’occupais de ses fleurs
et portais ses robes préférées pour lui plaire ;
puis je lui parlais et j’essayais d’attirer ses regards.
Il m’aimait tant mais moi je ne l’aimais pas !
Un jour il m’a demandé d’aller au bosquet
à l’heure du coucher du soleil et j’ai dit oui.
Mais le courage m’a manqué
et le pauvre garçon m’a attendue en vain !
Il a dû être très fâché
et m’a probablement maudite.
Je ne le reverrai pas, j’ai du chagrin et je pleure…
Car il m’aimait tant…
2. Tolstoï (1838-1910) - Tchaïkovski (1840-1893)
Au milieu du tumulte du bal (1880)
Chacun des trois couplets de cette émouvante
mélodie gagne en amplitude sonore. La voix donne l’exemple avec ces quasi
cadences qui ponctuent la fin de chaque couplet : la première atteint le fa
dièse ; la seconde grimpe un ton plus haut – sol dièse ; la troisième s’envole
vers le si. Le piano n’est pas en reste, qui va du sobre au très orné. On notera
le bel effet que produit – à mi-chemin du couplet – la doublure du chant à la
main gauche, à l’octave inférieure.
"Dans le brouhaha d’une foule tourbillonnante, c’est par hasard que je t’ai aperçue, renfermée dans ton secret, le regard triste – mais ta voix à la sonorité divine rappelait une flûte lointaine ou le murmure de la mer. J’ai aimé ta fine silhouette et ton regard songeur. À jamais ton rire mélancolique mais vibrant résonnera dans mon cœur."
3. Sourikov (1841-1880) - Tchaïkovski (1840-1893)
N’étais-je pas un petit brin d’herbe ?
(1880)
Chacun dans sa sphère, Tchaïkovski et Fauré ont
écrit plusieurs dizaines de mélodies. C’est peu de dire que leurs musiques
respectives diffèrent du tout au tout. Aussi est-on fort surpris de découvrir –
dans la présente mélodie – un passage de huit notes venu tout droit de celle de
Fauré, intitulée Au bord de l’eau (1865). Antérieure de quinze ans, cette
mélodie a-t-elle pu venir à la connaissance de Tchaïkovski ?
Le passage en cause est facile à repérer : chez Fauré, c’est sur les paroles : «
… tous deux devant tout ce qui lasse » ; chez Tchaïkovski, c’est à 48 secondes
du début dans le présent enregistrement.
Si l’on connaît bien les deux mélodies et si l’on se chante intérieurement ce
passage, on se surprend à enchaîner, tantôt avec l’une, tantôt avec l’autre des
deux œuvres.
Un petit brin d’herbe se plaint d’avoir été coupé et mis
à sécher au soleil.
« O malheur à moi, voyez mon triste destin ! »
Une petite rose poussant dans l’herbe a été cueillie, brisée et enserrée dans un
bouquet.
« O malheur à moi, voyez mon triste destin ! »
Une jeune fille fait remarquer qu’elle est la petite fleur de sa mère. Elle se
lamente parce qu’on l’a mariée contre son gré à un vilain vieil homme gris.
« O malheur à moi, voyez mon triste destin ! »
5. Armand Silvestre (1830-1901) - Gabriel Fauré
(1845-1924) Automne (1880)
Automne est un exemple frappant du pouvoir
d’évocation lié à une économie de moyens propre à Fauré. L’odeur de l’automne,
les couleurs bronze et brique de ses feuilles sont tout entières contenues dans
la douce ligne mélodique qui – à la main gauche – avance à pas lents et feutrés.
La voix lui fait écho à sa manière ; les deux lignes mélodiques bientôt se
répondent, s’enlacent – et c’est un moment d’intense bonheur.
Automne aux ciels brumeux, aux horizons navrants,
Aux rapides couchants, aux aurores pâlies,
Je regarde couler comme l’eau du torrent,
Tes jours faits de mélancolie.
Sur l’aile des regrets mes esprits emportés,
Comme s’il se pouvait que notre âge renaisse !
Parcourent en rêvant les coteaux enchantés,
Où jadis, sourit ma jeunesse !
Je sens, au clair soleil du souvenir vainqueur,
Refleurir en bouquet les roses déliées,
Et monter à mes yeux des larmes qu’en mon cœur
Mes vingt ans avaient oubliées !
6. Rosemonde Gérard (1871-1953) - Emmanuel Chabrier
(1841-1894) Villanelle des petits canards
(1889)
« Ma volaillerie », avait coutume de dire Chabrier,
parlant de la présente mélodie, de la Ballade des gros dindons et de la
Pastorale des cochons roses.
Ces mélodies, où triomphent l’humour et la bonne humeur, ont été écrites sur des
textes d’Edmond Rostand, âgé de 21 ans et encore inconnu du grand public, et de
sa fiancée, Rosemonde Gérard, 18 ans. Rappelons que Jean Rostand, le célèbre
biologiste et écrivain, était leur fils.
Ils vont, les petits canards,
Tout au bord de la rivière,
Comme de bons campagnards !
Barboteurs et frétillards,
Heureux de troubler l’eau claire,
Ils vont, les petits canards,
Ils semblent un peu jobards,
Mais ils sont à leur affaire,
Comme de bons campagnards !
Dans l’eau pleine de têtards,
Où tremble une herbe légère,
Ils vont, les petits canards,
Marchant par groupes épars,
D’une allure régulière,
Comme de bons campagnards
Dans le beau vert d’épinards
De l’humide cressonnière,
Ils vont, les petits canards,
Et quoiqu’un peu goguenards
Ils sont d’humeur débonnaire,
Comme de bons campagnards.
Faisant, en cercles bavards,
Un vrai bruit de pétaudière,
Ils vont, les petits canards,
Dodus, lustrés et gaillards,
Ils sont gais à leur manière,
Comme de bons campagnards.
Amoureux et nasillards,
Chacun avec sa commère,
Ils vont, les petits canards,
Comme de bons campagnards !
7. Paul Verlaine (1844-1896) - Reynaldo Hahn
(1875-1947) D’une prison (1892)
Reynaldo Hahn n'avait que 17 ans quand il a mis en
musique ce poème de Verlaine, extrait de Sagesse. Deux ans plus tard, Gabriel
Fauré s'emparait du même texte sous le titre Prison.
Reynaldo Hahn eut son heure de gloire - surtout avec ses opérettes (Ciboulette)
- avant que certains milieux musicaux ne le regardent avec condescendance.
J'admire, pour ma part, la grande simplicité harmonique (les 14 premières
mesures reposent seulement sur deux accords), la clarté du plan et la parfaite
prosodie de ces pages. Économe de ses munitions, l'auteur n'utilise le mode
mineur qu'au moment des paroles : "Qu'as-tu fait, ô toi que voilà pleurant sans
cesse…"
Le ciel est par-dessus le toit,
Si bleu, si calme
Un arbre par-dessus le toit
Berce sa palme.
La cloche dans le ciel qu’on voit
Doucement tinte
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte.
Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.
- Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà
De ta jeunesse ?
8. Gabriel Vicaire (1848-1900) - Reynaldo Hahn
(1875-1947) Cimetière de campagne (1893)
Cette mélodie est – à mon avis – une des plus
réussies de son auteur. On y décèle – comme dans la mélodie précédente, D’une
prison – un langage harmonique et une prosodie parfaitement naturels.
Reynaldo Hahn n’avait rien d’un révolutionnaire ni même d’un novateur. Il n’en a
que plus de mérite d’avoir su se frayer un chemin entre un Fauré, un Debussy,
sans même parler de Ravel (né la même année que lui). On sait, par la
correspondance de Proust à R. Hahn, que l’auteur de La Recherche a essayé, avec
infiniment de tact, mais en vain, de convaincre R. Hahn que Pelléas et Mélisande
était un chef-d’œuvre. Curieusement, à la même époque, Romain Rolland déployait
les mêmes efforts infructueux pour la même cause, vis-à-vis de Richard Strauss
qu’il admirait profondément. Deux hommes de lettres essayant de convaincre deux
musiciens…
J’ai revu le cimetière
Du beau pays d’Ambérieu
Qui m’a fait le cœur joyeux
Pour la vie entière,
Et sous la mousse et le thym,
Près des arbres de la cure,
J’ai marqué la place obscure
Où, quelque matin,
Libre enfin de tout fardeau,
J’irai tranquillement, faire
Entre mon père et ma mère,
Mon dernier dodo.
Pas d’épitaphe superbe
Pas le moindre tra la la,
Seulement, par ci, par là,
Des roses dans l’herbe,
Et de la mousse à foison,
De la luzerne fleurie,
Avec un bout de prairie
À mon horizon !
L’église de ma jeunesse,
L’église au blanc badigeon,
Où jadis, petit clergeon,
J’ai servi la messe.
L’église est encore là, tout près,
Qui monte sa vieille garde
Et, sans se troubler, regarde
Les rangs de cyprès.
Entouré de tous mes proches,
Sur le bourg comme autrefois,
J’entendrai courir la voix
Elles ont vu mes vingt ans !
Et n’en sont pas plus moroses.
Elles me diront des choses
Légère des cloches…
Pour passer le temps.
9. Maurice Vaucaire (1865-1918) - Henri Busser
(1872-1973) Du haut de l’arbre (extrait de
Maman chante avec nous) (1901)
Qu’on me permette une anecdote personnelle :
j’avais 12 ans et je venais de chanter le rôle du "petit Yniold" dans Pelléas et
Mélisande sur la scène du Théâtre des Champs-Elysées. C’étaient les débuts d’Etcheverry,
dans le rôle de Golaud, personnage qu’il devait incarner avec tant de profondeur
pendant des années. Je n’étais pas avare de mon affection pour ce « petit père »
d’un jour… A la même époque, concert à l’Institut de France, salle Comtesse de
Caen. Au programme, un recueil de mélodies d’Henri Busser : Maman chante avec
nous3. Ces mélodies ont dû me frapper puisque, beaucoup plus tard, je m’en suis
souvenu, au moment d’établir le programme de ce CD. À l’époque reculée dont je
parle, j’ignorais évidemment le rôle que le tandem Busser-Etcheverry allait
jouer dans ma vie d’étudiant. En effet, je me suis retrouvé, un beau jour, dans
la classe de composition de Busser. Et qui a été l’un des trois interprètes de
ma cantate de Concours de Rome ? Etcheverry.
On appréciera, je pense, la finesse et le gracieux élan de cette page de Busser.
En un rien de temps, ce dernier sait faire venir l’émotion au moment de savoir «
…où s’en vont les grands nuages ? ».
Du haut de l’arbre où j’ai grimpé, Du haut de l’arbre où
j’ai grimpé,
Je vois le jardin d’la voisine, Je vois courir les grands nuages,
Et son époux tout occupé Et tous les oiseaux se grouper,
A fair’ un bouquet d’capucines. Pour faire un long lointain voyage
Ah ! le beau rosier Vers les pays chauds
Et les cerisiers S’en vont les oiseaux
Qu’on voit au jardin d’la voisine. Mais où s’en vont les grands nuages ?
Du haut de l’arbre où j’ai grimpé, Du haut de l’arbre où j’ai grimpé,
Je vois la maison du voisin, Je vois m’attendre mon cher père.
Et le voisin, en train d’souper Il me paraît préoccupé,
D’un pâté chaud et de raisin. Est-ce qu’il serait en colère ?
Ah ! le souper fin, Il est en planton
Mon Dieu que j’ai faim, Avec un bâton.
Quand j’vois la maison du voisin ! J’ai désobéi à mon père
10. Lope de Vega (1562-1635) - Eduardo Toldrá
(1895-1962) Madre, unos ojuelos vi (1940)
Un coup de cœur ! C’était en 1980, j’écoutais un
33 tours que je venais de recevoir : des mélodies espagnoles. Une musique
séduisante, une belle interprétation. Et tout à coup, un diamant ! Cette mélodie
de Toldrá ? Un concentré d’Espagne qui vous transperce l’âme.
Ma mère, j’ai vu les yeux Comment aurais-je pu croire
Des yeux verts gais et si beaux que leur couleur fût si trompeuse !
Mais qui ne l’eût pensé Hélas, je me meurs d’amour
et ils se moquent de moi ! s’il n’en était amoureux ?
Les pupilles de leurs cieux Mère, je me suis perdu
ont si bien changé les choses Il faut en eux me chercher.
que leur couleur d’espérance Hélas, je me meurs d’amour
est pour moi couleur de jalousie. et ils se moquent de moi !
Je crois, mère, que j’ai vu
vie et mort en les voyant.
Hélas, je me meurs d’amour
et ils se moquent de moi !
11-12. Jean Mariat (1903-1972) - Raymond Gallois
Montbrun (1918-1994) Chanson - Lorsque tu dors
(1941)
Compositeur profondément original, violoniste hors
pair, 1er grand prix de Rome, membre de l’Institut, directeur de l’École
nationale de musique de Versailles, puis du Conservatoire national supérieur de
musique de Paris, brillant orateur, Raymond Gallois Montbrun décourage les
épithètes flatteuses. Une amitié sans nuages a existé entre nous pendant 52 ans
– de 1942 à sa mort en 1994.
C’est précisément en 1942 que j’ai entendu pour la première fois les présentes
mélodies, écrites en 1941 au Stalag IXA). La scène se passait à la classe de composition
d’Henri Busser. Agglutinés autour de l’auteur au piano, subjugués, ravis,
conquis, tous les élèves recevaient, comme une bouffée d’air frais, cette
musique si raffinée en même temps que parfaitement naturelle. Ces pages
ravissantes, dédiées à son interprète Charles Panzéra, ont malheureusement
sombré dans l’oubli. Nous sommes heureux de redonner vie ici à deux d’entre
elles. (Le titre de la troisième est Souvenir).
13. Paul Fort (1872-1960) - Jean Hubeau (1917-1992)
La Ronde (1942)
Jean Hubeau a laissé le souvenir d’un artiste
complet et particulièrement précoce. Il avait tout juste 17 ans quand il obtint
le 1er second grand prix de Rome. Et 21 ans quand il reçut le Grand Prix du
disque pour son enregistrement de la Sonate arpeggione de Schubert, avec le
violoncelliste Pierre Fournier. Et à 25 ans, le voici directeur du Conservatoire
de Versailles, fonctions qu’il occupe jusqu’en 1957 et où il déploie une grande
activité de chef d’orchestre. Peu après, il est nommé professeur de musique de
chambre au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. De cette classe
- de renommée internationale - sont sortis bien des artistes aujourd’hui
célèbres.
Les grands prix du disque se sont succédé tout au long de sa carrière : musique
de chambre de Fauré en 1970, l’Intégrale de la musique de chambre de Schumann en
1981, l’Intégrale de l’œuvre pour piano de Fauré en 1991.
Parmi ses nombreuses compositions, malheureusement trop ignorées des mélomanes,
nous avons choisi cette Ronde pleine d’élan et de spontanéité (extraite du
recueil Quatre chansons de Paul Fort).
Si toutes les filles du monde voulaient s’donner la main
Tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde
Si tous les gars du monde voulaient bien êtr’ marins
Ils f’raient avec leurs barques un joli pont sur l’onde
Alors on pourrait faire une ronde autour du monde
Si tous les gens du monde voulaient s’donner la main.
14. Edmond Borsent (1904-1986) - Henri Dutilleux (1916)
Pour une amie perdue (1942)
Cette mélodie fait partie d’un groupe de cinq paru
en 1943. Y figure notamment Regards sur l’infini, poème d’Anna de Noailles. Dans
la présente mélodie, sur une succession d’accords à la fois simples et raffinés,
le chant élève sa plainte. L’ensemble s’inscrit dans une courbe émouvante qui
trouve sa conclusion sur un accord parfait majeur, porteur soudainement d’une
lueur d’espoir.
J’ai fait pour t’oublier, tout ce que je pouvais.
C’est fini ; c’est fini.
Je serais vainqueur si je n’entendais pas, si je n’entendais plus, le son
charmant qu’avait ta petite voix dans mon cœur.
15. Louis Aragon (1897-1982) - Francis Poulenc
(1899-1963) C (1943)
Le 8 décembre 1943, concert à la salle Gaveau à
Paris. Sur scène, Francis Poulenc au piano, Pierre Bernac chantant. Au terme de
ce récital, un bis. Au sujet de ce bis, voilà ce que nous déclare Irène Joachim
citée par Brigitte Massin : « Je le vis arriver [le chef d’orchestre Roger
Désormière] absolument bouleversé : il sortait de chez Poulenc qui venait de lui
jouer une mélodie nouvelle chantée par Bernac qu’ils avaient l’intention de
donner en bis au concert. Poésie et musique y sont aussi magnifiques l’une que
l’autre : c’est sur un poème d’Aragon, une mélodie bouleversante. De fait, le
public, surpris, est devenu tellement fou de bonheur que les interprètes on dû
redonner ce bis. » Brigitte Massin ajoute : «Les ponts de Cé, sur la Loire,
virent passer ensemble, en mai et juin 1940, les réfugiés et les soldats en
déroute qui tentaient de franchir le fleuve pour gagner le sud de la France.»
J’ai traversé les ponts de Cé
C’est là que tout a commencé
Une chanson des temps passés
Parle d’un chevalier blessé
D’une rose sur la chaussée
Et d’un corsage délacé
Du château d’un duc insensé
Et des cygnes dans les fossés
De la prairie où vient danser
Une éternelle fiancée
Et j’ai bu comme un lait glacé
Le long lai des gloires faussées
La Loire emporte mes pensées
Avec les voitures versées
Et les armes désamorcées
Et les larmes mal effacées
Ô ma France ô ma délaissée
J’ai traversé les ponts de Cé
16. Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) - Louis
Beydts (1895-1953) Un cri (1944)
Louis Beydts a donné le meilleur de lui-même dans
l’opérette (Moineau, À l’Aimable Sabine) et la musique de film (La Dame de
Malacca, La Kermesse héroïque). A la fin de sa vie, plusieurs fois, à ma
demande, lorsque j’allais lui montrer mes propres compositions, il m’a joué et
chanté Un cri. Je me suis souvenu de cette émouvante mélodie lorsque le
programme du présent CD a été établi. Rappelons que ce fin musicien a été le
directeur artistique du premier et célèbre enregistrement (78 tours) de Pelléas
et Mélisande, avec la distribution inoubliable d’Irène Joachim, de Jacques
Jansen et d’Etcheverry, sous la direction de Roger Desormière.
Hirondelle
Est-il au monde un cœur fidèle
Ah ! S’il en est un, dis-le moi
J’irai le chercher avec toi
Sous le soleil ou les nuages
Guidée à ton vol qui fend l’air,
Je te suivrai dans le voyage
Rapide et haut comme l’éclair.
Allons vers l’idole rêvée,
Au Nord, au Sud, à l’Orient,
Du bonheur de l’avoir trouvée,
Je veux mourir en souriant.
17. Jean Gandrey-Rety (1901-1962) - Henri Dutilleux
(1916) Chanson de la déportée (22 septembre
1945)
Pendant l’Occupation, tout un groupe comprenant
musiciens, écrivains, cinéastes s’était formé autour de la notion de «
Résistance », donnant naissance à quelques œuvres majeures. Citons Figure
humaine (1943), texte d’Eluard, et Cé (1943), texte d’Aragon, musique de Poulenc
; Quatre chants de la France malheureuse (1943), musique de G. Auric sur des
poèmes d’Eluard, de Jules Supervielle, d’Aragon ; Les Visions de l’Amen (1943)
pour 2 pianos de Messiaen ; enfin, la présente mélodie (écrite lors du retour de
Buchenwald de l'auteur).
La Chanson de la déportée précède de peu la composition du chef-d’œuvre que
représente la Sonate pour piano.
Depuis des jours et des jours avec leurs nuits sans
sommeil,
Je n’ai pas revu mes amours ni le ciel, ni le soleil, ni mon enfant.
Sous mes haillons en lambeaux,
Je n’ai plus forme vivante, comme une ombre sans repos je suis déjà morte
errante, sans mon enfant.
C’est en moi qu’est la clarté.
Là, je garde, illimités, tous les trésors de l’horizon, toutes les fleurs, toute
la joie et la chanson de mon enfant.
18. Claude Pascal (1921) - Claude Pascal
J’ai voulu te rejoindre (1982)
L’avantage d’être son propre parolier, c’est que
musique et texte se portent mutuellement assistance. Panne de musique ? Le texte
vous porte ; et réciproquement. C’est ainsi qu’après cette mélodie, j’ai écrit
le livret de mon opéra cosmique pour enfants, Framboise et Amandine, les
jumelles de l’espace, puis mes Quatre Farfelettes pour soprano et piano et le
recueil de trois mélodies, Top Model et Cie, également pour soprano et piano.
J’ai voulu te rejoindre en grand secret : Vous tournoyez
dans ma mémoire,
Tu m’as échappé à jamais Me laissant triste et lassé.
J’ai voyagé, lointaine demoiselle,
Tu restes la plus belle. Je songe à cette attente vide,
Pauvre marionnette harassée !
Point de lumière qui me guide, Que cerne une indicible peine,
Point de lueur à l’horizon. Mêlée d’espoirs fous, insensés !
Saurai-je où poser mon front vide, J’ai voulu te rejoindre en grand secret :
Moi qui ai perdu la raison ? Tu m’as échappé à jamais.
Chemin creux, sentiers de gloire, J’ai voyagé, lointaine demoiselle,
Lacs immobiles et glacés, Tu restes la plus belle.
19. Hamisa Dor - Vladimir Cosma (1940)
Promenade enchantée (1996)
Issue de la belle musique de son film Diva, cette
mélodie – dans un tempo de valse lente – repose sur un jeu subtil de trois
modulations, à la fois simples et raffinées : va-et-vient entre les modes
phrygien, majeur et hypolydien. On remarquera que chaque séquence commence par
un « saut d’octave », intervalle dont la neutralité permet aux interprètes de
déployer une large palette d’expressions.
Adieu, rêves de jeunesse Au-delà de l’infini
Souvenirs du temps passé L’amour loin d’être mirage,
La vie vole ses promesses Redevient mon secret
Au miroir de mes pensées Bonheur chasse les nuages
Au loin, l’ombre de mon âme Quand le cœur se remet
Doux espoirs dérobés Adieu, rêves de tristesse
Soudain sèchent mes larmes Le miroir enchanté
Promenades enchantées L’espoir tient ses promesses
J’entends, chants de ma jeunesse Promenades enchantées
Un élan de nostalgie Le miroir de mon passé
La nuit montre sa tendresse Le miroir de mes pensées