Peu de compositeurs ont eu autant d’atouts dans leur vie que Reynaldo Hahn
(1874-1947). Né à Caracas d’un père d’origine allemande et d’une mère issue
d’une famille aristocratique du Pays basque espagnol, élevé par une
institutrice anglaise, il comprenait déjà, dans sa petite enfance, trois
langues majeures. Arrivé en France à l’âge de quatre ans, il en ajoutait
facilement une quatrième, le français. Cela lui a permis d’avoir très tôt
une culture générale hors du commun. Surdoué pour la musique, il connaît le
succès à quatorze ans avec une première mélodie ; à dix-huit ans, il
construit son premier ouvrage lyrique, « L’île du rêve », créé par l’Opéra
comique. Son passage au Conservatoire de Paris le met en contact avec Jules
Massenet qui sera pour lui un maître vénéré. Doté d’un physique agréable et
d’un rayonnement considérable, il sera reçu très tôt dans tous les grands
salons dont on connaît l’importance, à l’époque, pour la diffusion des
œuvres. Aussi ne cessera-t-il de composer au cours de sa vie, laissant un
catalogue beaucoup plus étendu qu’on ne pouvait le penser : plus de trois
cents opus où l’on trouve, non seulement de très nombreuses mélodies et plus
d’une centaine de pièces pour le piano, mais aussi des œuvres lyriques
(opéras, opéras-comiques, oratorios, opérettes), de nombreuses musiques de
scène, des œuvres symphoniques ou concertantes, un répertoire de musique de
chambre passé longtemps inaperçu.
Malheureusement, avec le temps, sa réussite semble avoir été bornée dans la
mémoire collective au répertoire mélodiste et au succès incontesté de «
Ciboulette », l’une de ses meilleures opérettes. L’étude approfondie du
catalogue de son œuvre montre que sa place dans l’histoire de la musique
française mérite certainement d’être reconsidérée, même si son style, très
personnel, est resté plus tourné vers une certaine forme du passé et n’a
pas, volontairement, suivi les courants de la musique d’avant-garde.
Sa vie, très riche en contacts divers, est à elle seule une histoire très
passionnante à suivre en raison des personnalités qui ont été ses amis :
Alphonse Daudet, Pierre Loti, Marcel Proust, Sarah Bernhardt, Edouard
Risler, la princesse de Polignac, pour n’en citer que quelques-uns, dans une
époque où la France avait une palce culturelle de premier plan.
Le docteur Jacques Depaulis, bordelais de naissance, professeur honoraire de l'université de Bordeaux, s'est consacré depuis 1987 à l'histoire de la musique. Après une thèse passée en 1992 à Paris-IV-Sorbonne sur le compositeur bordelais Roger-Ducasse, il a publié une grande partie de sa correspondance avec Jacques Durand, Nadia Boulanger, André Lambinet et Marguerite Long. Auteur de deux articles sur Gustave Charpentier parus dans « Opéra international » (1991 et 2000), d'un grand article sur Gabriele d'Annunzio paru dans la « Rassegna dunnunziana » (avril 1999), il a également écrit une importante biographie sur Ida Rubinstein, parue chez Honoré Champion (1995).