Pendant la Seconde Guerre mondiale, 37 Juifs de Palestine ont été envoyés en
Europe pour infiltrer les territoires ennemis après avoir suivi un entraînement
spécial de l'armée britannique en Egypte. Objectif officiel : "Disposer
d'émissaires [...] capables d'envoyer des informations sur les zones
stratégiques et les mouvements de troupes nazies." Pour les membres de la
brigade des volontaires de Palestine, la priorité était ailleurs ; il s'agit
d'"évacuer leurs frères en danger vers les zones libérées par les partisans
antifascistes". Parmi les aspirants à cette mission périlleuse, une femme, en
particulier, va s'illustrer par son courage et sa détermination : une jeune
Juive fraîchement émigrée de la capitale hongroise Budapest vers la Palestine,
Hannah Szenes.
A la fin des années 1930, un quart de la population de Budapest est issu de la
communauté juive. Hannah Szenes et sa famille, qui appartient à la bourgeoisie,
ne sont pas épargnées par l'antisémitisme croissant et les premières
législations discriminatoires. Séduite par le sionisme théorisé par cet autre
natif de la capitale hongroise Theodor Herzl, elle décide d'immigrer en
Palestine. Pour son intégration parmi les pionniers du futur Etat d'Israël, elle
choisit "une voie totalement inédite pour une intellectuelle de la bourgeoisie :
l'agriculture". Le défi de la vie austère du kibboutz de Nahalal ébranle les
certitudes d'Hannah Szenes. Le travail y est routinier et épuisant. Aussi quand
l'armée britannique annonce recruter des volontaires de Palestine pour être
parachutés en Europe et servir l'effort de guerre, Hannah Szenes n'hésite pas.
Ce sera l'opération "Het" (première lettre du mot "hadira", "infiltration" en
hébreu). En mars 1944, elle rejoint les partisans yougoslaves censés la faire
passer en Hongrie. Dès son arrivée sur sa terre natale, elle est arrêtée par les
autorités locales collaborationnistes. Tout s'écroule : l'ambition d'un geste
salvateur pour ses "frères" promis à la Shoa, dont les premières preuves ont
filtré, s'évanouit. En revanche, sa défense lors de son procès fera date et
raisonnera longtemps dans la conscience des Juifs. Accusée d'avoir trahi la
Hongrie, elle réplique : "Les traîtres sont ceux qui ont semé le désastre sous
les pas du peuple." Hanna Szenes est exécutée le 7 novembre 1944.
Rédactrice en chef de l'hebdomadaire français Marianne et spécialiste
du Moyen-Orient et du Maghreb, Martine Gozlan publie, sous le titre Hannah
Szenes. L'Etoile foudroyée, la première biographie en français de cette
héroïne d'Israël. Le livre n'élude pas, hors la question arabe palestinienne
totalement absente, des aspects controversés de l'idéal sioniste, l'arbitraire
dans les kibboutz et la culpabilité des dirigeants à l'égard de celle qui allait
rester une héroïne d'Israël.