Zuzana Rŭžičková
14 janvier 1927, Plzeň (Pilsen), Czechoslovakia
27 Septembre 2017, Hôpital de Prague
Viktor Kalabis & Zuzana Ruzickova Foundation
C’est la ville de Plzeň en Bohême de l’Ouest qui est la patrie de Zuzana
Růžičková. Elle est née dans cette ville en 1927. D’origine juive, elle est
déportée à l’âge de 14 ans dans le camp de concentration de Terezín mais ce
n’est que le début de son calvaire car elle passe ensuite encore dans les camps
d’extermination d’Auschwitz, de Neuengamme, près de Hambourg et de
Bergen-Belsen. Elle réussit à survivre à l’enfer de la haine raciale mais y perd
presque toute sa famille et en sort mutilée intérieurement. Seules sa mère et
elle reviennent alors que 17 membres de sa famille ont disparu.
Lorsqu’elle revient à Plzeň à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, elle ne
parvient pas à retrouver le sens de la vie. C’est la musique de Johann Sebastian
Bach qui l’aidera à vaincre sa dépression et Bach restera pour elle le pilier
sur lequel elle construira sa vie et sa carrière musicale.Au retour des camps, ses mains sont « complètement détruites » mais
la musicienne s’obstine, travaille dix à douze heures par jour.
Zuzana Růžičková commence ses études de musique à Plzeň, mais dès 1947 elle
étudie à l’Académie des Arts à Prague. Elle joue d’abord du piano mais bientôt
elle commence à se rendre compte que c’est le clavecin qui est son moyen
d’expression préféré, un instrument qui lui permettra d’assouvir son goût pour
la musique ancienne. A l’instar de Wanda Landowska, elle fera revivre dans le
milieu tchèque cet instrument discret qui a été éclipsé par le piano et
contribuera d’une façon décisive à sa popularité dans la seconde moitié du XXe
siècle, époque du regain d’intérêt pour la musique baroque. En 1956, Zuzana Růžičková remporte le concours international de
clavecin à Munich qui marque le début de sa brillante carrière internationale.
Et c’est encore Johann Sebastian Bach et sa musique qui lui permettent de
surmonter sa peur de l’Allemagne, pays qui l’a fait tellement souffrir. Elle
finit par enregistrer sur 35 disques l’ensemble de l’œuvre de Bach pour clavecin
mais cet exploit gigantesque ne lui suffit pas. Elle jouera Bach pendant toute
sa vie et encore dans les années 1990, elle donnera son second enregistrement du
célèbre cycle « Le clavier bien tempéré ». « Dans la musique de Bach il y a
un ordre merveilleux et une grande étendue – de la plus grande souffrance
humaine à la joie la plus éclatante, de la métaphysique au plaisir de la pipe et
du bon vin », dira-t-elle.
(Réédition en 20 CDs remasterisés :
https://www.amazon.com/dp/B01JQV81P4/)
En 1957, elle doit écourter son séjour parisien et rentrer à Prague alors que Manuel Rosenthal crée au Théâtre des Champs-Elysées le Concerto pour violoncelle op. 8, de son époux Viktor Kalabis (1923-2006)
Le répertoire de Zuzana Růžičková est vaste et couvre la musique européenne
du XVIe au XVIIIe siècles, son domaine préféré, mais aussi la création moderne.
Outre Bach elle joue Frescobaldi, Vivaldi, Couperin, des virginalistes anglais,
Haendel, Haydn, Benda, Purcell. Elle ne néglige pas non plus les auteurs du XXe
siècle et notamment Bartók, Martinů, Poulenc, Falla, Martin et devient une
interprète privilégiée de la musique pour clavecin composée par son mari, Viktor
Kalabis. C’est pourtant à la musique baroque qu’elle consacre la majeure partie
de ses activités et de son talent. Dans son répertoire elle réserve aussi une
place importante à l’œuvre d’un autre géant de la musique pour clavecin,
Domenico Scarlatti
Les Français l’avaient surnommée la « grande dame du clavecin »
La France jouera un grand rôle dans la carrière de Zuzana Růžičková. Ses
rapports avec la France commencent au début des années 1950 lorsqu’elle étudie
le clavecin à Paris. Elle entame ensuite une collaboration fructueuse avec le
label Erato pour lequel elle réalisera d’innombrables enregistrements et qui
publiera en 1975 son intégrale de l’œuvre de Johann Sebastian Bach pour clavecin
seul. Ses disques lui vaudront entre autres quatre Grands Prix du Disque de
l’Académie Charles Cross, le Disque de platine de la société tchèque Supraphon
pour 300 000 albums vendus et toute une série d’autres distinctions. En 2003
elle reçoit de l’ambassadeur de France à Prague la distinction honorifique
de « Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres ». A cette occasion elle
évoque au micro de Radio Prague le rôle que la France a joué dans sa carrière
musicale
: « Les souvenirs de mes concerts en France sont les meilleurs, parce que le
public a été toujours tellement ouvert, tellement passionné. J’ai peut-être le
mieux joué dans ma vie à Paris. J'aimais beaucoup l'église Saint-Séverin où j'ai
joué presque toutes les œuvres de Bach. »
Královna cembala
(La Reine du Clavecin)
Zuzana Rŭžičková, Marie Kulijevyčová
Ottovo nakladatelství, 2005
ISBN: 80-7360-206-7
Vous avez enregistré aussi beaucoup de disques pour les maisons
françaises...
« Oui, pour la maison discographique Erato, j'ai enregistré une intégrale de
toutes les œuvres pour clavecin de Johann Sebastian Bach... »
Mais vous êtes aussi une grande interprète de compositeurs français.
« J'ai étudié avec Mme Marguerite Roesgen-Champion qui m'a transmis un grand
amour pour la musique française du XVIIIème siècle, surtout pour la musique de
Rameau et de Couperin. »
Et puis vous avez continué. Vous avez joué non seulement des œuvres
de Martinů mais aussi, par exemple, celles de Poulenc.
« Oui, naturellement j'aimais aussi la musique française du XXème siècle, je
jouais Poulenc et aussi d'autres compositeurs contemporains français. »
A l’occasion du 85e anniversaire de Zuzana Růžičková Supraphon a lancé un
double album qui comprend surtout les enregistrements de Bach mais aussi
symboliquement des œuvres de son mari Viktor Kalabis. Aujourd'hui la première
dame du clavecin ne joue plus parce que ses doigts ont perdu leur prodigieuse
agilité. Elle reste pourtant présente dans la vie musicale tchèque grâce à ses
enregistrements, à ses activités dans des associations musicales et aussi à ses
élèves dont plusieurs sont devenus des clavecinistes renommés.
Elle est décédée le mercredi 27 septembre 2017 à 90 ans, des suites d'une
longue maladie, dans un hôpital de Prague, ville où elle vivait depuis plus de
cinquante ans dans le quartier de Vinohrady.
Un film documentaire à été produit : "Zuzana: Music is Life" by Getzels Gordon Productions
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