Mieczysław
Weinberg Edition Vol. 2
Neos 11126
EAN: 4260063111266
20 juillet 2011
Total time: 53:01
Live Recording
Symphony No. 17 “Memory” op. 137 (1982–1984)
[01] Allegro sostenuto 10:13
[02] Allegro molto 18:41
[03] Allegro moderato 07:26
[04] Andante 16:38
Wiener Symphoniker
Vladimir Fedoseyev, conductor
Au centre de la rétrospective Weinberg présentée par le Festival de
Bregenz en 2010 se trouvait la création scénique de son opéra « La Passagère
», mais plus de vingt autres œuvres furent jouées, donnant une impression de
l’incroyable richesse que recèle l’œuvre de ce compositeur oublié. Weinberg
éprouvait la nécessité de composer pour justifier sa survie à l’Holocauste –
il fut le seul survivant de sa famille. Les œuvres symphoniques et la
musique de chambre extraordinaire qui en résultent sont pleines de
mélancolie et de rébellion. Nous sommes reconnaissants à NEOS de permettre à
d’autres de partager la redécouverte de ce compositeur inspiré et important.
David Pountney
Symphonie n° 17 « Souvenir » op. 137 (1982-1984)
Mieczysław Weinberg a regroupé en une trilogie ses trois symphonies n° 17
à 19, composées dans les années 1980. Le titre global « Aux portes de la
guerre » se réfère à la seconde guerre mondiale et aux souvenirs que le
compositeur en a gardé, juif polonais qui trouva en Union Soviétique un
nouveau pays. Une devise de la poétesse russe Anna Akhmatova (1898-1966) est
placée en exergue de la symphonie n° 17.
Comme Weinberg, Akhmatova subit la répression du régime de Staline et ne
fut réhabilitée que tardivement. Voici une traduction de ses vers : « Mon
pays, tu as recouvré ton pouvoir et ta liberté ! Mais les années consumées
de la guerre resteront à jamais conservées dans le trésor du souvenir du
peuple ».
Composée entre 1982 et 1984, l’œuvre est une symphonie purement
instrumentale et renonce à toute partie vocale – contrairement p. ex. à la
Symphonie n° 18. En tant qu’ouverture de la grande trilogie, une
signification particulière lui revient. Comme souvent chez Weinberg, la
nomenclature de l’orchestre est opulente. Seul l’Allegro sostenuto initial
fait preuve d’une instrumentation plus légère. Les cordes entonnent une
triste cantilène en sol mineur. C’est le souvenir de la guerre auquel se
réfère le titre qui résonne dans ce début.
Le second mouvement, avec son agitation inquiète et ses citations du Dies
irae de la messe des morts latine, déchaîne le feu des conflits militants. A
la fin, le solo d’un violon solitaire apaise les masses et fait la
transition avec la coda pleine d’espoir.
Dans la Symphonie n° 17, la technique compositionnelle de Weinberg est
également d’une richesse inouïe. Si l’on prend par exemple le troisième
mouvement, le contrepoint baroque s’y fond avec la vigueur traditionnelle du
scherzo. Le trio met en valeur les bois, comme il se doit. La coda est d’une
facture à la fois concentrée et efficace. Après ce mouvement rapide, vient
un adieu lent. Les clarinettes et les cors donnent à cet Andante final une
couleur « romantique ».
La proximité de Mahler ou Bruckner s’impose avec évidence (par exemple
dans le passage des cuivres en sourdine, vers la fin). Weinberg insère une
section de musique de chambre, pour les cordes solistes et le célesta. La
fin grandiose en sol majeur semble être la mise en musique des deux premiers
vers d’Akhmatova. Il serait pourtant superficiel de considérer que l’œuvre
s’achève selon les préceptes du « réalisme socialiste ». Dans cette fin
positive, se cache aussi la victoire de l’artiste sur le régime de Staline
et sur toute dictature de l’Art.
Même si Weinberg a suivi durant toute sa vie une ligne apolitique
inhabituelle, il a écrit ses dernières symphonies sur fond de Glasnost et de
Perestroïka. Par ailleurs, le compositeur appartenait à une génération en
voie de disparition. Weinberg remarquait en 1988, avec autant d’ironie que
d’autocritique, que des œuvres pareilles ne trouveraient guère « place que
dans les greniers », cette musique ne correspondant pas « aux modes
actuelles ».
L’esprit de la musique contemporaine faisant son chemin en Russie, les
jeunes compositeurs remettaient en question de manière générale les
symphonies de grande dimension. Elles passaient pour des résidus de la
guerre froide, pour des formes d’expression artistique appartenant à une ère
révolue. A l’Ouest, la musique de Weinberg récolta en revanche une grande
reconnaissance, à partir de la moitié des années 1990. On faisait l’éloge de
sa grande qualité et attribuait à Weinberg le plus haut rang, entre
Prokofiev et Chostakovitch.
Matthias Corvin
Traduction : Catherine Fourcassié |