Mieczysław
Weinberg Edition Vol. 3
Neos 11127
EAN: 4260063111273
20 juillet 2011
Total time: 60:46
Live Recording
Requiem for soprano, boys’ choir, chorus and orchestra, op. 96
(1965–1967)
[01] Bread and Iron (Dmitri Kedrin) 02:59
[02] And Then … (Federico García Lorca) 05:01
[03] There will Come Soft Rains (Sara Teasdale) 15:15
[04] Hiroshima Five-Line Stanzas (Munetoshi Fukagawa) 21:47
[05] People Walked … (Federico García Lorca) 05:14
[06] Sow the Seed (Mikhail Dudin) 10:29
Elena Kelessidi, soprano
Wiener Sängerknaben
Gerald Wirth, choirmaster
Prague Philharmonic Choir
Lukáš Vasilek, choirmaster
Wiener Symphoniker
Vladimir Fedoseyev, conductor
1er Août 2010 - Festspielhaus
Au centre de la rétrospective Weinberg présentée par le Festival de
Bregenz en 2010 se trouvait la création scénique de son opéra « La Passagère
», mais plus de vingt autres œuvres furent jouées, donnant une impression de
l’incroyable richesse que recèle l’œuvre de ce compositeur oublié. Weinberg
éprouvait la nécessité de composer pour justifier sa survie à l’Holocauste –
il fut le seul survivant de sa famille. Les œuvres symphoniques et la
musique de chambre extraordinaire qui en résultent sont pleines de
mélancolie et de rébellion. Nous sommes reconnaissants à NEOS de permettre à
d’autres de partager la redécouverte de ce compositeur inspiré et important.
David Pountney
Requiem pour soprano, chœur d’enfants, chœur mixte et orchestre, op.
96 (1965-1967)
Le message d’union des peuples de la Sixième symphonie de Weinberg est
aussi présent dans son Requiem op. 96. Composé de 1965 à 1967, il peut
certainement passer pour une réponse au célèbre War Requiem de 1962 de
Benjamin Britten, qui lui avait été chaudement recommandé par son ami
Chostakovitch.
On trouve dans les deux œuvres une profonde émotion et une pure horreur face
aux atrocités de la guerre. En Union soviétique, de telles messes des morts
étaient naturellement dépourvues de toute fonction liturgique, la foi
orthodoxe ayant fait place à la croyance en l’Etat Père. Ce genre de
déplorations honorait plutôt des héros militaires ou des dignitaires
communistes. Que le recueillement religieux des anciens requiems puisse se
transformer en musique profane n’est d’ailleurs pas nouveau, on décèle cette
tendance déjà chez Berlioz et Verdi. Weinberg se trouve donc pour cette
œuvre en bonne tradition romantique.
De grande dimension, le requiem est aussi très exigeant dans ses parties
vocales. Comme dans la Sixième symphonie, il a recours à un chœur d’enfants.
Mais cette fois s’y adjoignent un chœur mixte et un soprano solo. Outre les
textes de l’Espagnol Federico García Lorca (1898-1936), du Russe Dmitri
Kedrine (1907-1945) et de l’Américaine Sara Teasdale (1884-1933), Weinberg
intègre dans l’œuvre sa cantate Hiroshima op. 92, composée en 1966 d’après
des textes du Japonais Munetoshi Fukagawa (1921-2008).
Le lancement américain des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki les 6
et 9 août 1945 avaient démontré aux yeux des hommes la nouvelle puissance
destructrice de la guerre. Ici encore, Weinberg parvient à élever sa
critique générale de la guerre au-dessus de tout point de vue national de
vainqueurs et de vaincus. Cependant, à cette œuvre aussi, il met en exergue
un poème sur la paix du poète socialiste Alexandre Tvardovski (1910-1971) et
la termine par un texte du poète soviétique fidèle au régime, Michail
Doudine (1916-1994).
Son poème décrit l’épanouissement d’un Etat communiste d’image d’Epinal sur
fond d’affrontement guerrier. On peut fortement présumer que de tels
passages politiques ont été imposés au compositeur par le régime. Weinberg
lui-même ressentait toujours et encore le pouvoir de l’Etat. Pour un
auditeur actuel, ayant vécu l’effondrement de l’ancienne Union soviétique,
ces vers résonnent comme du pur sarcasme.
Dans le traitement orchestral, Weinberg a fait des choix d’un grand
raffinement car il intègre même les couleurs des clavecin, célesta,
mandoline et piano. Certains passages présentent un mordant, une acuité
rappelant Stravinsky. Weinberg manie aussi avec maîtrise le flottement entre
les parties atonales (clusters du troisième mouvement) et tonales. Il
réalise en outre un équilibre intelligent entre de longues sections
méditatives et des sections d’élan impétueux. Les poèmes de Lorca, présentés
par la soprano solo, forment les pôles lyriques qui encadrent l’apogée
dramaturgique de la section Hiroshima.
Cependant, l’intérêt pour l’opulent Requiem de Weinberg ne fut attisé ni par
la musique émouvante, ni par le message politique final. Il disparut dans un
tiroir de son atelier de composition. Il ne fut exhumé que 13 ans après la
mort de Weinberg, lors de sa création tardive par Thomas Sanderling au
Philharmonic Hall de Liverpool, le 21 novembre 2009.
Le critique Joe Riley écrivit alors dans le « Liverpool Echo » que ce
requiem est « moins une conjuration du jugement dernier, comme dans
l’équivalent grandiose de Verdi ou dans le sombre chant du cygne de Mozart,
qu’une élégie sur les préjudices portés à la nature ».
Matthias Corvin
Traduction : Catherine Fourcassié |